Les politiques publiques sont-elles efficaces ?

Des premiers parc nationaux à la gestion de la biodiversité, les politiques de conservation de la nature n'ont cessé de se transformer. Des méthodes autoritaires des années 60 à la gouvernance des politiques locales actuelles, l'érosion de la biodiversité n'a pourtant pu être enrayée. Reste à en tirer le bilan...

Protéger et conserver la nature n'est pas une préoccupation récente. Au XVIe siècle, dans une célèbre élégie, Ronsard déplorait le déboisement de la « forest de Gastine », « haute maison des oiseaux bocagers » et sa transformation en une « large campagne » domestiquée et nourricière mais désenchantée. Dans la seconde moitié du XIXe siècle, des cercles d'intellectuels, artistes, savants ou simples touristes se mobilisent pour que des paysages pittoresques et sauvages soient soustraits aux appétits de la civilisation industrielle et urbaine. Dans le même temps, la nature est l'objet d'une intense activité scientifique qui inventorie, classe et ordonne les espèces. On « naturalise » des collections d'animaux sauvages au fond des muséums tandis que les empires coloniaux ouvrent de vastes terrains d'aventure aux explorateurs avides de s'emparer des richesses offertes par la nature exotique.

Des monuments naturels aux espaces récréatifs

Un siècle plus tard, les politiques de la nature, recentrées sur la sauvegarde de la biodiversité, sont au coeur de la globalisation. Un état des lieux de la biosphère est dressé sous l'égide de l'Onu par un millier de scientifiques 1. Les sommets internationaux de Rio (1992) et de Johannesburg (2002) élaborent d'ambitieux programmes d'action et un « pacte planétaire » en vue d'assurer, par la vertu du développement durable, « Our Common Future 2 ».

La logique initiale qui régit la première génération de parcs repose sur la conservation, dans une perspective esthétisante, de « monuments naturels », avec pour référence le parc de Yellowstone, créé dès 1872 aux Etats-Unis. Les sites pittoresques et les curiosités naturelles sont très prisés des nouveaux touristes qui, vers 1900, se lancent à pied, à bicyclette ou en automobile à la découverte des paysages de la nature. En France, la création des premiers espaces protégés a été relativement tardive. Les projets, portés par des sociétés de naturalistes ou de géographes et des associations élitistes de tourisme (Le Touring Club de France), ont rencontré des oppositions plus fortes que dans d'autres pays, notamment de la part des propriétaires fonciers 3. Mais le bilan de ces années n'est cependant pas négligeable puisqu'a été promulguée la loi de 1930 sur « la protection des sites à caractère artistique, historique, scientifique, légendaire ou pittoresque », loi toujours en vigueur qui a permis de préserver de nombreux sites.

C'est plus tard, dans les années 60, que la création de parcs naturels, à statut national ou régional, devient en France, une véritable politique publique. Si ses promoteurs (dont André Malraux, ministre de la Culture) se réclament encore en partie de la conception esthétisante qui prévalait au début du siècle, cette politique s'inscrit dans la logique globale d'un aménagement fonctionnaliste de l'espace national. Politique qui découpe le territoire en zones vouées à l'industrie, à l'urbanisation, à l'agriculture intensive ou aux activités ludiques. Dans cette perspective, les zones naturelles se voient attribuer des fonctions récréatives et un rôle de « poumon vert » pour le repos et le bien-être des citadins entassés dans les grands ensembles des banlieues. Par exemple, la création en 1970 du parc régional de la Camargue, sous l'impulsion de la Datar, est ainsi explicitement associée par ses concepteurs à l'aménagement du complexe sidérurgique de Fos-sur-Mer. Dans les régions « à vocation touristique », à côté des quelques espaces naturels, sont développés à une tout autre échelle d'importants programmes d'aménagements touristiques qui transforment profondément les montagnes et le littoral. La préoccupation écologique, au sens de préservation des écosystèmes, est totalement absente de ces aménagements dont la finalité explicite est de conformer la montagne et le littoral aux exigences de la « civilisation des loisirs ».