Les préceptes du «bon Docteur Spock»

Dans les années 1950, Comment soigner et éduquer son enfant ? devint le livre de chevet de toute une génération de parents. Cet ouvrage libérateur reçut un accueil triomphant aux États-Unis et en Europe.

La plupart des jeunes couples qui accueillent et élèvent un enfant aujourd’hui ignorent qu’ils suivent des préceptes énoncés par un pédiatre américain que leurs parents appelaient avec affection « le bon Docteur Spock », tant ses conseils leur paraissaient une évidence. Qui douterait aujourd’hui qu’il faut être à l’écoute des besoins de l’enfant, l’embrasser, le câliner, être souple dans ses principes éducatifs ? Et pourtant, lorsque paraît en 1946 l’ouvrage Common Sense Book of Baby and Child Care (traduit en français dès 1952 sous le titre Comment soigner et éduquer son enfant), il s’agit d’une véritable révolution en éducation. Les parents ne s’y trompèrent pas qui firent à cet ouvrage libérateur un accueil triomphant : à ce jour, 50 millions d’exemplaires vendus dans le monde, et 32 traductions.

Le jeune Benjamin Spock (1903-1998) est le gendre idéal de l’Amérique des années 1930, beau, sportif (il obtient la médaille d’or en aviron aux Jeux olympiques de 1924), brillant étudiant, bon fils. Il fait des études médicales à Yale puis à Columbia, et se spécialise en pédiatrie. Mais ces études ne le satisfont pas, il pense que tout pédiatre doit étudier la psychologie de l’enfant, et il aura deux maîtres en cette matière : le psychopédagogue John Dewey et Sigmund Freud, et un grand frère, Donald Winnicott. De 1933 à 1938, il suit les cours du New York Psychoanalytic Institute, mais ne deviendra pas analyste. Selon sa biographe, une patiente qu’il eut en contrôle pendant deux ans l’en dissuada : elle était terriblement féministe et combattait farouchement chacune de ses interprétations. Perturbé, il retourna vers les bébés, qui étaient certes plus accommodants. La psychanalyse demeurera cependant toujours sa référence principale.