Aussi paradoxal que cela puisse paraître, les chercheurs en psychologie commencèrent par interpréter et observer les relations interpersonnelles au niveau du seul individu. Les premiers à s'emparer de la question, les psychologues du développement, centraient leur description de la relation parent-enfant sur les caractéristiques de l'individu qui pouvaient influencer la relation. Au point qu'en 1951, Robert Sears, dans son discours de présidence de l'American Psychological Association, les encouragea à ouvrir leur horizon : « La dyade est essentielle si l'on veut arriver à une quelconque conceptualisation des relations entre les personnes, comme celles entre le parent et l'enfant, entre l'enseignant et l'élève, le mari et son épouse, ou le leader et ceux qui le suivent. » Mais l'appel de R. Sears ne fut visiblement pas entendu puisqu'à la fin des années 60, Richard Bell concluait une revue de littérature sur la socialisation en affirmant qu'il fallait cesser de concevoir la socialisation comme le seul résultat de l'influence des parents sur l'enfant. Dans de nombreux cas, l'influence de l'enfant sur les parents pouvait être une explication alternative, tout comme les relations entre pairs.
Les psychologues cliniciens adoptaient eux aussi une approche individuelle du comportement humain et du traitement de ses troubles. La psychanalyse en était l'exemple prototypique. Mais avec l'essor des divorces dans les années 60 et 70, la demande d'expertise dans la gestion des relations fut de plus en plus forte. Les professionnels de la santé mentale commencèrent à pratiquer des thérapies relationnelles, et nombre d'entre eux envisagent maintenant la personne au sein d'un système, dont le dysfonctionnement peut être à l'origine des souffrances de l'individu.
On ne s'en étonnera pas, c'est bien sûr du côté des psychologues sociaux qu'il faut regarder pour assister au développement d'une science des relations interpersonnelles 1. Kurt Lewin, considéré comme le fondateur de la psychologie sociale, avait proposé une formule du comportement humain : B = f(P,E), dans laquelle le comportement (B pour behavior en anglais) était fonction d'une interaction entre la personne (P) et son environnement (E), à la fois social et physique. Cette formule affirme donc d'emblée l'importance de l'environnement social et donc des relations interpersonnelles elles-mêmes. Ensuite, elle souligne combien le comportement peut varier non seulement en fonction de l'environnement et de la personne, mais surtout de l'interaction entre les deux. Prenons l'exemple des confidences échangées entre deux personnes. Celles-ci dépendent des partenaires (secrets ou non, à l'écoute ou non), des relations qui existent entre eux (sont-ils proches l'un de l'autre ?), mais aussi de l'interaction entre les deux (dans certaines situations, même une personne très secrète peut se confier à un étranger).