Les républiques d'enfants

Pourrait-on laisser les enfants s’autogouverner ? Retour sur des expériences initiées à plusieurs reprises, dans des contextes idéologiques très variés, au cœur du 20e siècle.

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Nées dans le giron de l’éducation dite « nouvelle » au tout début du 20e siècle, les républiques d’enfants sont des communautés éducatives au sein desquelles les enfants font l’apprentissage de l’autonomie et de la responsabilité. Elles s’appuient sur ce que l’on nomme le self-government, les jeunes se gouvernant eux-mêmes. Ils deviennent de petits citoyens, qui élisent leur gouvernement, rédigent une Constitution et votent des lois, font fonctionner tribunaux, coopératives, journaux, parfois nomment une force de police et instaurent une monnaie intérieure.

On en trouve la trace dans le cadre scolaire, par exemple dans des écoles d’inspiration libertaire comme la Ruche de Sébastien Faure ou l’École moderne de Francisco Ferrer. Le principe de la république d’enfants s’épanouit également dans certains mouvements de jeunesse, tels que les Faucons rouges, nés en Autriche avant la Première Guerre mondiale pour former des cadres socialistes, qui instituent des républiques d’enfants à partir des années 1930 de manière éphémère à l’occasion de leurs rassemblements internationaux.

Un idéal de régénération

Dans le même temps, ce prototype d’éducation moderne est utilisé auprès d’enfants orphelins, dans un idéal de régénération et d’apprentissage de la vie collective où se mêlent autodiscipline et apprentissage de la citoyenneté, comme à la République des enfants, orphelinat fondé à Varsovie en 1918 par le médecin pédagogue Janusz Korczak. Ce modèle est également anglo-saxon, catholique dans le cas de la cité de garçons, la fameuse Boys Town fondée dans le Nebraska par le prêtre irlandais Edward Flanagan en 1917 ; ou empreint d’une rigueur plus protestante dans le Little Commonwealth de Homer Lane en Angleterre à partir de 1913, ou la George Junior’s Republic fondée en 1909 à Freeville dans l’État de New York, dont la devise « Nothing without labour » rappelle qu’il s’agit ici de former avant tout de jeunes hommes probes et travailleurs. Les sombres années 1930 en Europe ne mettent pas fin à cette utopie pédagogique, puisque même au cœur des persécutions, certaines maisons d’enfants prennent l’allure de républiques en miniature, comme au château de la Guette, en Seine-et-Marne, ouvert en 1939 pour de jeunes Juifs allemands et autrichiens.