Parmi les livres publiés l’année dernière pour célébrer les 45 ans de Mai 68, très peu se sont vraiment attachés à dresser une analyse empiriquement fondée de l’événement et surtout à mettre en lumière ses effets sur les trajectoires personnelles, professionnelles ou militantes des protagonistes. Tel est le pari que relève Julie Pagis, une « fille de hippie » née en 1980, dans cet ouvrage tiré de sa thèse. Dans la lutte, toujours renouvelée, pour le monopole de la définition légitime de Mai 68, cette enquête se révèle salutaire car elle se refuse précisément à prendre parti.
Évitant de se focaliser sur une population parisienne et militante, J. Pagis a constitué un échantillon de soixante-huitards ordinaires, militants ou simples spectateurs, en puisant dans les registres des parents d’élèves de deux écoles alternatives, l’une à Paris et l’autre à Nantes. Le choix de cette pratique alternative traduisait, à ses yeux, une forme d’« humeur anti-institutionnelle ». À partir de ce panel de parents et d’enfants, elle a combiné une analyse par questionnaires avec une étude des trajectoires biographiques.
Contre l’idée largement répandue qu’il existerait « une génération 68 », J. Pagis insiste sur la pluralité des formes d’engagement dans Mai 68. Son influence n’est pas pour autant évacuée : l’étude des trajectoires montre que les dispositions militantes se sont révélées différemment en fonction du degré d’exposition à l’événement. Un propos qui permet, entre autres, d’analyser sous un jour nouveau les antagonismes mémoriels qui perdurent autour de ce fameux mois de mai.