Sommes-nous en France plus libres qu’il y a trente ans ? Indubitablement oui, si l’on songe à certaines avancées majeures qui se sont produites depuis : abolition de la peine de mort, libertés de circulation et de travail dans l’ensemble de l’Union européenne, disparition des tribunaux d’exception, accès à la Cour européenne des droits de l’homme… Ces décisions à forte charge symbolique se sont accompagnées d’autres progrès dans les domaines du respect de la dignité humaine (accompagnement de fin de vie, bioéthique, discriminations, harcèlement, etc.) et des droits dits subjectifs (droit à disposer de son identité, de sa vie et de sa santé, droit au mariage et au divorce, droit à l’enfant, etc.) (1).
La prééminence sécuritaire
Pourtant, les interrogations fusent sur le statut des libertés publiques en France, de plus en plus menacées par l’émergence d’un nouveau principe, quasi sacré : la sécurité. Un principe que l’on trouve naturellement à l’œuvre dans la recrudescence des pratiques de surveillance (vidéosurveillance, fichiers électroniques, traçage nanotechnologique, géolocalisation des personnes…), mais pas seulement. En matière de santé publique par exemple, nombre de réglementations génèrent des restrictions de liberté (vaccinations obligatoires, lutte contre le tabagisme passif…). Si ces restrictions sont souvent approuvées par l’opinion, certains s’interrogent sur leur légitimité, l’extension du principe de précaution pouvant par exemple conduire, selon le juriste Didier Tabuteau, à un contrôle généralisé de la société dans le cadre d’« une société qui a fait du risque une priorité politique (2) ». Car au-delà de la santé, ce sont aussi l’environnement, l’immigration ou encore l’espace domestique qui sont concernés.