« Aujourd’hui, nous allons travailler sur le portrait, la représentation de soi, de vous… » Emma Delforge, médiatrice au Louvre-Lens (Pas-de-Calais), adresse un sourire chaleureux à la dizaine de personnes qui lui font face. Ces patients de l’hôpital de jour de Liévin, souffrant de dépression, d’anxiété ou de schizophrénie, commencent leur séance de « muséothérapie ». Ils avancent à pas lents, accompagnés par une infirmière et un interne en médecine, dans la galerie du Temps, une salle d’exposition qui retrace 5 000 ans d’histoire de l’art.
Muséothérapie ? Ni le Larousse ni Le Robert ne connaissent ce néologisme. Il faut traverser l’Atlantique pour en trouver une définition, élaborée en 2020 par l’Office québécois de la langue française. Son Grand Dictionnaire terminologique décrit une « méthode thérapeutique individuelle ou collective qui consiste en l’exploitation de l’environnement muséal à des fins de bien-être physique, psychologique et social ». Il peut s’agir « de la contemplation des œuvres d’art, de la création artistique en atelier ou de visites guidées en compagnie de médiateurs culturels ». Le champ couvert est donc plus vaste que l’artthérapie qui se concentre sur l’expression artistique dans le cadre d’une psychothérapie.
Emma Delforge propose d’abord aux huit hommes et deux femmes du groupe un temps de relaxation fondé sur la respiration. Puis les amène devant l’imposante statue en marbre de Marc-Aurèle, datée de 160 apr. J.C. « Cet homme revient de la guerre, il dégage de la puissance », observe l’un. « Il a des griffons sur son armure », remarque l'autre. La médiatrice anime la séance avec légèreté, suscitant rires discrets et francs sourires. Elle explique que l’empereur romain était aussi philosophe. « Le stoïcisme, c’est mettre à l’écart les colères envahissantes, ne pas se laisser déborder », glisse-t-elle, avant d’emmener les participants s’essayer à une nouvelle technique de peinture.
Ressentir des émotions
« Au Louvre-Lens, chaque séance de muséothérapie part de la rencontre avec une ou deux œuvres d’art, pas plus, explique Gunilla Lapointe, chargée des médiations. Il s’agit de prendre le temps de ressentir des émotions. » Le musée travaille depuis 2014 avec des établissements de santé comme l’hôpital de jour de Liévin. Depuis l’été dernier, des médecins du centre hospitalier de Lens expérimentent aussi les « prescriptions muséales », proposant à leurs patients de bénéficier d’une activité gratuite de leur choix.