Notes : du rififi entre chercheurs et formateurs

Une enquête sur l’arbitraire des notations au bac fait débat. On évoquerait même la suppression de l’examen. Récit d’une polémique…

Ce n’est pas un scoop, c’est même un sujet de préoccupation depuis qu’est née, dans les années 1930, la docimologie (études des notes ou de l’évaluation, dit-on aujour-d’hui) sous l’égide du psychologue Henri Piéron (1881-1964). On en parle régulièrement dans votre magazine préféré : la valeur arbitraire des notes attribuées aux copies d’élèves n’est plus à démontrer…
C’est ce qu’a voulu confirmer Bruno Suchaut, directeur du très sérieux Institut de recherche sur l’éducation de Dijon (Iredu/CNRS). Dans une étude publiée récemment, ce chercheur fait état d’une expérience de notation sur des copies de baccalauréat. Trois copies ont été sélectionnées et soumises à la correction d’une trentaine de professeurs en sciences économiques et sociales de deux académies. Sur les quelque 200 notes obtenues, les scores ont varié, pour le même devoir, de 3 à 18 ! Des calculs statistiques des plus pointus montrent en outre l’absence de régularité dans la sévérité ou l’indulgence d’un correcteur particulier. Autrement dit, il n’y aurait pas des « profs qui saquent » systématiquement et d’autres toujours plus coulants… Et le rapport de conclure aux forts aléas de la notation pour les candidats au baccalauréat, examen qu’il recommande de remplacer par un contrôle continu ou tout au moins, des épreuves de type QCM qui limiteraient les marges d’interprétation des réponses.
Mais voici que le 17 mars 2008 arrivait un message dans plusieurs rédactions, dont celle de Sciences Humaines, intitulé : « Les recteurs de Dijon et Besançon demandent des explications au CNRS sur la méthode ». Ce message expliquait que les données utilisées pour l’étude de l’Iredu étaient issues d’une expérience réalisée au cours d’un stage de formation sur l’évaluation. Précisément, les copies avaient été données à corriger « hors conditions d’examen, en vue de la formation des correcteurs pour, justement, montrer le nécessaire cadrage et l’indispensable harmonisation des notations d’examens. Pour les besoins de l’expérimentation, aucune directive n’avait été donnée aux correcteurs », précise le communiqué.

Depuis longtemps en effet, l’Éducation nationale tente de pallier l’arbitraire de la notation au bac. Une série de dispositifs a été mise en place à cette fin : corrections en commun à blanc, élaboration de consignes et de critères précis quant aux exigences requises (plan respecté, connaissances sur le sujet traité, argumentation, expression, grammaire et orthographe…), commissions d’harmonisation et autres jurys pour réduire les écarts jugés excessifs…Le communiqué fait état de la des enseignants-formateurs qui avaient mis en place cette expérience dans le cadre d’un stage auquel B. Suchaut participait en tant que chercheur. Lui, de son côté, proteste contre ce qu’il considère comme une , soulignant l’importance de la question de la notation et son influence sur un examen. Il est vrai, comme il le mentionne, qu’un coefficient de 7 en sciences économiques et sociales peut entraîner un différentiel de 35 points pour un écart de 5 points entre deux correcteurs.Toujours est-il que dans cette controverse, tout est affaire de soupçon : soupçon sur la notation, soupçon sur le protocole de la recherche, que d’aucuns soupçonnent instrumentalisée par la demande politique, qui commence à déplorer les coûts exorbitants dus à l’organisation d’un examen comme le baccalauréat…