Trente ans après un premier bilan, l'Unesco réalise avec la MSH (Maison des sciences de l'homme) une nouvelle prouesse, dresser un état des lieux des sciences sociales sur quatre plans : historique, spatial, méthodologique et opérationnel.
Si l'on se plonge dans l'histoire des sciences sociales, on ne peut pas manquer de remarquer avec Ali Kazancigil (secrétaire général de l'Unesco) que l'intervention croissante de l'Etat après la Seconde Guerre mondiale s'est accompagnée d'un besoin croissant de connaissances, de données commandées pour mieux piloter les économies. Donc les sciences sociales se sont développées corrélativement à la demande de l'administration. Comment abordent-elles le xxie siècle ? Le sociologue Immanuel Wallerstein leur pré- dit des bouleversements majeurs. Tout d'abord, l'organisation par disciplines, qui s'est instaurée durant la première partie du xxe siècle, a volé en éclats depuis les années 70, sous le double effet de nouveaux programmes de recherche interdisciplinaires et du renouvellement des chercheurs (plus de femmes, moins d'« héritiers ») qui ont impulsé des sujets de recherche différents (les études sur le « genre », par exemple). D'autre part, les sciences sociales se sont écartées de la mécanique newtonienne, en mettant en avant le caractère intrinsèquement incertain, voire chaotique, du monde social. Enfin, note I. Wallerstein, l'institution « Université » traverse une période houleuse : la voici prise en tenaille « entre un nombre d'étudiants sans cesse croissant (en raison à la fois de l'augmentation de la population et des attentes sociales quant au niveau d'instruction) et une diminution des ressources financières (principalement imposée par les Etats qui traversent une crise fiscale) ». D'où une « lycéisation » de l'enseignement supérieur, qui fait fuir des spécialistes vers d'autres centres de recherche, dont l'importance devrait croître dans les années à venir. Car, selon I. Wallerstein, l'université a atteint son apogée lors de la période 1945-1970. Bien sûr, ces tendances dessinées à grands traits n'occultent en rien l'extrême diversité spatiale des modes d'organisation de la recherche.