Comment caractériser les paradis fiscaux ? Faut-il faire des distinctions, par exemple entre les Bahamas et le Luxembourg ?
L’expression même « paradis fiscal » est un peu infamante. C’est pourquoi les pays de grande taille, comme l’Irlande, les Pays-Bas et d’autres, sont horrifiés d’être qualifiés de la sorte. Historiquement, il y a eu une tentative de définition par l’OCDE, fondée sur des critères extrêmement réduits. En 1998, un rapport définissait les paradis fiscaux selon trois critères principaux : pas de transparence – on ne sait pas qui opère dans la juridiction –, pas d’échange de renseignements, pas de fiscalité. Par la suite, l’OCDE a établi en 2000 une liste de paradis fiscaux, puis l’a restreinte en 2002 aux juridictions non coopératives, pour arriver au chiffre de huit. Alors qu’on pourrait estimer qu’il en existe plusieurs dizaines !
Il n’existe en réalité pas de définition juridique précise, et chacun y met un peu ce qu’il veut : des palmiers, des jolies plages ou des montagnes avec des lacs. L’expression s’applique à un spectre très large de cas : aussi bien à des juridictions sur de toutes petites îles dans les Caraïbes sans aucune fiscalité et très peu de transparence, qu’à des pays plus grands qui ont une fiscalité réduite, mais non nulle, et dont les mécanismes facilitent l’implantation de multinationales. On peut toutefois retenir deux aspects constitutifs de tout paradis fiscal : l’absence de transparence – on ne sait pas trop ce qui s’y passe et ces pays ne coopèrent pas –, et très peu ou pas de fiscalité.
Quelles étaient les techniques mises en œuvre par les particuliers et les entreprises pour échapper à l’impôt ?
Les personnes physiques échappaient à l’impôt sur le revenu en dissimulant leurs actifs, richesse, ou propriétés derrière du secret bancaire ou des structures juridiques opaques : par exemple, si vous étiez un Français possédant un château en Espagne, et que vous ne vouliez pas que les autorités françaises ou espagnoles le sachent, vous passiez alors par une structure détenue sur une île dans les Caraïbes, qui devenait la propriétaire juridique de vos biens. Dès lors, quand l’Espagne ou la France demandaient à cette juridiction qui était derrière la structure, ils n’obtenaient pas l’information de sa part. Il s’agissait d’une fraude caractérisée, consistant à dissimuler la détention d’actifs. Cela valait aussi pour les actifs liquides, c’est-à-dire des comptes bancaires.