En France, trois millions de personnes vivent de minima sociaux, plus de cinq millions si l'on tient compte des personnes à charge (conjoint ou enfants). Depuis le début des années 2000, la croissance économique aidant, le chiffre diminue. Toutefois, des données émanant d'associations ne montrent guère une amélioration des situations de grande exclusion. Par exemple, les demandes d'aide auprès du Secours catholique ou de Médecins du monde sont certes en régression, mais celles formulées par des personnes étrangères, souvent exilées, sans statut et sans ressources, progressent. Or, cette pauvreté là n'est pas comptabilisée. Multiforme et évolutive, la pauvreté a donc quelque mal à se couler dans des catégories statistiques dont l'objectif est pourtant de décrire un phénomène afin de mieux percer ses mécanismes et, pourquoi pas, d'apporter quelques remèdes au mal. Mais les décideurs sont-ils vraiment attentifs aux chiffres ?
Selon une étude menée par l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion, les représentations forgées par des hommes d'influence (hommes politiques, membres d'associations ou d'administrations) n'en tiennent guère compte. Les représentations se structurent sur des « systèmes d'opposition » autour des publics, des instruments de lutte et des instances de régulation, et ce sans s'appuyer sur des éléments statistiques, le but étant de « simplifier une réalité complexe ».
Du point de vue des publics, les « pauvres visibles » (SDF, clochards et autres vagabonds), souvent stigmatisés, côtoient les « pauvres ordinaires », masse de malchanceux qui sont perçus comme les victimes d'une société injuste. Au regard des outils de lutte contre la pauvreté, c'est toujours le travail qui apparaît le plus sûr intégrateur aux yeux des décideurs.
Quant à savoir si c'est au niveau étatique ou local que le problème sera le plus efficacement résolu, le sociologue Michel Autès (Le Rapport 2001-2002, La Documentation française, 2002) montre que « L'Etat demeure le garant des droits universels construits comme des droits objectifs. Les échelons locaux sont davantage positionnés sur la gestion de dispositifs basés sur des droits subjectifs dont l'appréciation réclame une proximité. »