Pêche aux termites chez les chimpanzés et les corbeaux

Depuis les observations menées par Jane Goodall à partir des années 60 en forêt de Gombe (Kenya), on sait que les chimpanzés utilisent des outils. Ils se servent de pierres pour casser des noix, de bouts de bois pour « pêcher » les termites dans leurs termitières, de feuilles en guise de petites cuillères pour récupérer de l'eau au fond d'arbres creux, etc. Depuis, l'usage des outils a été bien documenté par les primatologues. On sait ainsi qu'il existe des « cultures » chimpanzés, sortes de traditions locales dans la façon de casser les noix ou de pêcher les termites... Une nouvelle étude apporte un éclairage intéressant sur la complexité des techniques employées dans la pêche aux termites.

L'équipe de Crickette Sanz, de l'institut de Max-Planck (Allemagne), a filmé des chimpanzés de la forêt du Congo qui utilisaient tour à tour deux types de bâton. Sur une séquence, on voit une femelle creuser un trou dans une termitière à l'aide d'un bâton épais et pointu. Pour cela, elle l'enfonce à l'aide de son pied, exactement comme un jardinier use d'une bêche. Puis, une fois les trous creusés, elle emploie un bâton plus fin, qu'elle avait gardé en bouche, et l'introduit dans le trou pour en extraire les termites. Pour parvenir à ses fins, la guenon a donc utilisé successivement deux types d'outils. Le fait qu'elle transportait dans sa bouche le premier bâton indique clairement qu'elle projetait de l'utiliser plus tard. Cette observation pourrait témoigner de ce que le chimpanzé possède une capacité mentale que l'on croyait jusque-là réservée aux humains : la capacité cognitive de se projeter mentalement dans l'avenir, puis de décomposer un acte complexe en tâches plus simples. Est-ce le signe que les chimpanzés ont franchi une nouvelle étape dans la marche vers l'humanité ? L'usage d'outils n'est pas forcément un signe de proximité évolutive avec l'homme. Les bonobos, génétiquement plus proches de l'espèce humaine que les chimpanzés et connus pour leur grande intelligence, n'utilisent pas d'outils en milieu naturel. Mais il y a plus étonnant. Il y a quelques années, le chercheur Gavin R. Hunt avait provoqué la surprise en montrant que le corbeau de Nouvelle-Calédonie utilisait presque la même méthode pour attraper les vers dans les trous des arbres. L'oiseau est en effet capable de fabriquer des « cannes à pêches », formées de brindilles crochues, qu'il plonge dans le tronc de l'arbre. Il parvient ainsi à accrocher des larves d'insectes et à les ramener vers son bec.