Peut-on avoir envie de ne pas faire l'amour ?

Un roman paru à la rentrée relance le débat sur l’énigmatique 
question de ceux qui se disent dépourvus de libido. 
Epiphénomène ou orientation sexuelle à part entière ?

Dans un joli petit livre qui fait beaucoup parler de lui ces dernières semaines, Sophie Fontanel (1), chroniqueuse pour un magazine féminin qui exhorte régulièrement les femmes à avoir une sexualité épanouie, raconte comment elle a un jour décidé de ne plus avoir de rapports sexuels. Avoir envie de ne pas faire l’amour, serait-ce la subversion ultime ? Si ce roman a le mérite d’apporter au grand public un éclairage sur une modalité particulière de l’abstinence contemporaine, le phénomène, contrairement à ce que l’on peut lire régulièrement, n’est pas une mode made in USA récente (2) ni l’apanage de vieilles filles ou de néoconservateurs anglo-saxons. La philosophe Peggy Sastre (3) a enquêté sur ceux qu’elle nomme les « no sex ». Selon elle, il convient de distinguer la baisse de libido (une évolution du désir sexuel), l’abstinence (subie ou relevant d’un choix) de l’asexualité véritable (ne jamais ressentir d’attirance sexuelle pour un tiers et n’avoir qu’un intérêt faible voire inexistant pour la chose sexuelle). En d’autres termes, si les abstinents se privent de relations sexuelles, les asexuels n’en ressentent pas le besoin. Et qui dit pas de besoin dit pas de manque. Impensable, dites-vous ? « Il n’y a pas si longtemps, raconte P. Sastre, la disette sexuelle n’était pas jugée négativement. Bien au contraire : haro sur tous ceux qui séparaient sexe et procréation.