Peut-on choisir son identité sexuelle ?

Homo, hétéro, bi, trans…, les identités sexuelles sont multiples et se définissent à partir des déterminismes biologiques, sociaux et de la liberté individuelle.

Manifestations contre « le mariage pour tous », polémiques sur l’enseignement du genre à l’école, victoire de Conchita Wurst à l’Eurovision et loi australienne en faveur d’un sexe neutre…. Plusieurs événements récents ont mis les questions de genre et de sexualités au centre du débat public. Avec une problématique récurrente : qu’est-ce qui relève du choix, qu’est-ce qui relève du déterminisme biologique dans nos pratiques et identités sexuelles ?

Aussi fondamentales paraissent-elles, ces problématiques sont en réalité récentes. Dans un article de 1981 intitulé « Histoire critique du mot hétérosexualité », Jean-Claude Féray souligne qu’il a fallu attendre 1869 pour que l’écrivain et essayiste hongrois Karl-Maria Kertbeny délimite pour la première fois une différence entre « l’homosexualité » et ce qu’il nomme la « normalsexualité » (qui deviendra l’hétérosexualité). L’hétérosexualité reste alors la seule forme normale, agissant comme un fantôme souverain, une injonction normative puissante mais jamais questionnée.

Le genre : entre injonctions et transformations

Alors que l’homosexualité s’est d’abord définie comme une pathologie, d’autres théoriciens comme Magnus Hirschfeld développent à son égard l’idée d’une « variance normale » de la sexualité. Mais un autre concept, en provenance des États-Unis, vient ébranler cette idée. Les recherches d’Alfred Charles Kinsey autour du concept de « bisexualité » (1948) poussent l’hétérosexualité à perdre son statut d’universalité pour devenir, théoriquement dans un premier temps, une pratique sexuelle parmi d’autres dans la mosaïque des sexualités. Aujourd’hui, la théorie queer permet de reformuler cette opposition. Dans son épistémologie du placard (1990), Eve Kosofsky Sedgwick montre ainsi que le « placard » qui symbolise la « honte » ou le « secret » de l’homosexualité socialement perçue comme anormale, dissimule une caractéristique plus large des identités sexuelles : entre homosexualité et hétérosexualité, entre masculin et féminin, les frontières et les hiérarchies parfois se dérobent. La « découverte » de la pluralité des formes de sexualité entraîne dans son sillage une série d’interrogations sur la notion d’identité de genre (masculinité/féminité) : comment s’émanciper des normes de genre ?