Ainsi que l’ont depuis toujours souligné les philosophes des sciences, la reproduction des résultats d’une recherche est l’une des caractéristiques essentielles de la méthode scientifique, par opposition aux pseudosciences. Pour ne prendre qu’un exemple, la parapsychologie n’a jamais encore pu proposer un protocole réplicable par d’autres chercheurs pour attester d’un phénomène. Autres exemples, un miracle, un événement historique ou encore l’effondrement d’un immeuble suite à un crash d’avion ne peuvent être répétés à l’identique.
Ainsi, pour être scientifiquement admis, les résultats empiriques d’une recherche doivent avoir été reproduits indépendamment par d’autres chercheuses ou chercheurs, et le plus sera toujours le mieux.
Depuis quelques années cependant, le problème de la réplication des résultats a fait irruption avec fracas dans le domaine de la psychologie, et par réaction en chaîne dans d’autres disciplines comme la médecine.
La crise de réplicabilité en psychologie sociale
Dans les années 1990, John Bargh et ses collègues découvrent en psychologie sociale le phénomène étonnant de l’amorçage : lorsque l’on amène un groupe de gens à penser à un stéréotype (celui des personnes âgées par exemple, qui contient l’idée de lenteur), cela a pour effet de ralentir leur vitesse de marche après l’expérience, par rapport à un autre groupe ayant pensé à quelque chose de neutre. Deux expériences avec 30 participants chacune, donc 15 dans chaque groupe, montrent une différence de moyenne d’environ 1 seconde entre les deux groupes. Cette expérience a été peu répliquée, raison pour laquelle Stéphane Doyen et ses collègues de l’Université Libre de Bruxelles ont tenté de la reproduire à plus large échelle. Leur ensemble de deux études impliquant 170 participants n’a pas montré d’effet de l’activation du stéréotype sur la vitesse de marche, contrairement à la recherche originale. John Bargh réagit mal à ces résultats, critiquant injustement les auteurs de l’article. Un chercheur important comme le prix Nobel d’économie Daniel Kahneman a reconnu récemment avoir eu trop confiance dans les résultats des études sur l’amorçage.
: – Alcock, J. (1989). Paris : Flammarion. – Bargh, J. A., Chen, M., & Burrows, L. (1996). « Automaticity of social behavior : Direct effects of trait construct and stereotype activation on action ». , 71, 230–244. – Bem, D. J. (2011). « Feeling the future : Experimental evidence for anomalous retroactive influences on cognition and affect ». 100, 407–425. – Doyen, S., Klein, O., Pichon, C.-L., & Cleeremans, A. (2012). « Behavioral priming : It’s all in the mind, but whose mind ? » , 7, e29081. – John, L. K., Loewenstein, G., & Prelec, D. (2012). « Measuring the prevalence of questionable research practices with incentives for truth telling ». 23, 524–532. – MacNutt, M. (2014). « Reproductibility ». , 343 (6168), 229. – Nuijten, M. B., Hartgerink, at al. (2015). « The prevalence of statistical reporting errors in psychology (1985–2013)». , 48, 1205–1226. – Open Science Collaboration. (2015). « Estimating the reproducibility of psychological science ». , 349, aac4716. – Popper, K. (1963/1985). . Paris : Payot,