J’ai rencontré une salariée heureuse. Elle travaille comme atsem (elle assiste la maîtresse dans une classe maternelle) dans une petite école de quartier. Elle adore « être avec tous ses petits bouts de choux ». Elle affirme pourtant que c’est loin d’être un travail de tout repos…
Quand on les interroge, beaucoup de gens déclarent aimer leur travail : des médecins, des enseignants, des routiers ou des boulangers. Mais ils sont très nombreux aussi à se plaindre des conditions dans lesquelles ils sont amenés à travailler
Car c’est là que le bât blesse : le travail fait aussi beaucoup souffrir. Toutes les enquêtes récentes le confirment. Un lien vient même d’être établi entre le stress au travail et le risque accru d’infarctus. Tous les secteurs sont concernés : dans le privé comme dans le public, dans les petites et grandes entreprises, de l’éducation à l’agriculture.
Les causes sont connues : les lois du marché qui pèsent sur les entreprises, la crise économique, les contraintes budgétaires qui pèsent sur le secteur public. Partout, il faut faire plus avec moins de moyens. Il faut travailler dans des conditions de plus en plus difficiles et dégradées. Tout cela contribue à désenchanter le travail.
Que faire ? De nombreux experts se sont penchés sur le problème. Et les remèdes proposés ne manquent pas. Pour les uns, il faut apprendre à faire face au stress : savoir mieux gérer son temps pour desserrer l’étreinte, apprendre la « communication non violente » (pour affronter les relations difficiles avec les clients, les collègues ou la hiérarchie). D’autres encore prônent un « slow management ». Dans ce dossier, le sociologue Gilles Herreros propose d’instaurer une « réflexivité organisationnelle » pour dépister et remédier à la violence ordinaire qui sévit dans les organisations. Plusieurs livres viennent de paraître autour d’une idée plus radicale : « Il faut refonder l’entreprise » (nous y reviendrons bientôt dans Sciences Humaines).
Et vous, qu’en pensez-vous ? Depuis quelque temps déjà à Sciences Humaines, nous ne nous contentons plus de nous adresser aux spécialistes, mais nous nous tournons aussi vers les lecteurs, les amis et l’entourage pour savoir ce qu’ils pensent.
Personnellement, j’ai interrogé des personnes autour de moi : « Et toi, que ferais-tu pour réenchanter le travail ? » Les réponses ne se sont pas fait attendre : « Supprimer les évaluations », m’a répondu du tac au tac cette professeure des écoles. « Les évaluations sont lourdes, stressantes et inutiles, c’est une nouvelle bureaucratie absurde qui s’est répandue partout. » Pour cette jeune graphiste, le télétravail est un bon moyen de travailler avec plaisir : « Le télétravail, c’est ce qui me permet d’éviter les contraintes du bureau : les longs transports, les horaires obligés et surtout les petits conflits et les potins qui empoisonnent le travail. » Réenchanter le travail ? Un autre interlocuteur s’est lancé dans un plaidoyer pour la démocratie en entreprise : « Il faut simplement donner la parole aux salariés : l’entreprise est le dernier lieu de notre société qui fonctionne encore comme une monarchie. »
Sur le site scienceshumaines.com, nous avons ouvert un nouvel espace d’échange et d’expression. Le mois passé, des lecteurs sont venus échanger leurs bonnes recettes pour se nourrir l’esprit intelligemment. Le mois précédent, ils présentaient leurs plus belles lectures de voyages.
Et si l’on s’interrogeait ensemble sur la façon de réhumaniser le travail ? Ce ne serait pas la plus mauvaise façon de faire des sciences humaines.