Police, du plébiscite au désamour

Tantôt loués quand ils protègent des attentats, tantôt détestés quand ils s’en prennent aux manifestants, les policiers entretiennent une relation ambiguë avec la population. Pourquoi ?

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La mesurerait-on à sa relation à la police, la société française contemporaine offrirait un visage bien versatile et, de prime abord, difficilement compréhensible. Comme ils l’ont eux-mêmes souligné, en appelant le 18 mai 2016 à une manifestation contre « la haine antiflic », les Français étreignaient les policiers en janvier 2015, après les attaques à la rédaction de Charlie Hebdo, puis quelques mois plus tard après les massacres du 13 novembre, mais se retournaient et les affrontaient dans la rue, au cours des mobilisations contre la loi dite « travail » au printemps 2016.

Aussi puissants soient-ils, les événements de 2015 n’ont pas terrassé les paradoxes constitutifs de toute institution policière. Dans une société de moins en moins armée et violente, de plus en plus régie par des rapports impersonnels et bureaucratiques, la police est une institution chargée de mythologies car elle est légitime à employer les armes et la force. Mais elle est aussi un service public, soumis à des demandes de la part de la société et à des exigences de respect de la loi, d’impartialité et de pondération, d’efficacité. Dans les heures mêmes qui ont suivi les attaques de Charlie Hebdo, c’est toute la police du renseignement (que rassemble aujourd’hui la Direction générale de la sécurité intérieure, issue des réformes successives de 2008 et 2014) qui s’est vue interrogée, pour ne pas dire mise à l’index, quant au fait que les tueurs, depuis Mohammed Merah en 2012 (l’auteur de la tuerie dans une école juive de Toulouse), étaient connus de leurs services et avaient pourtant mené leurs sinistres projets sans être inquiétés. En novembre 2015, c’étaient les services d’intervention rapide, souvent appelés « services d’élite » (par une institution qui n’hésite pas à nourrir elle aussi les mythologies sur son propre compte), qui étaient montrés du doigt pour le temps qui leur avait semblé nécessaire pour intervenir en plein Paris. L’institution policière soigne l’héroïsme, mais les comptes qu’elle rend à la population sont toujours plus prosaïques. Elle déçoit pour cette raison beaucoup de celles et ceux qui font vœu d’y entrer : une fois passés les concours, les jeunes policiers et policières découvrent que l’uniforme a moins l’étoffe du héros que le quotidien du service public (répondre au public, rester patient, se débattre avec une administration appauvrie et tatillonne, comprendre les jeux syndicaux de la mutation et de l’avancement hiérarchique, etc.).