Séries télé, hits du moment et bandes dessinées… Bienvenue en pop’philosophie ! Ce vaste continent dédié à la métaphysique du futile et de l’accessoire s’est imposé en une dizaine d’années à peine dans les maisons d’édition, les médias, les colloques et les festivals. Le principe consiste à entremêler concepts philosophiques et culture de masse, en posant des questions telles que : qu’est-ce que l’amour sur un site de rencontres ? Quel est le projet politique de Superman ? Existe-t-il une essence individuelle sous le rouge à lèvres et le mascara ?
Au premier abord, c’est tout simplement de la vulgarisation. Le pop’philosophe Thibaut de Saint Maurice 1 montre ainsi à ses élèves de terminale que la série Desperate Housewives peut les aider à comprendre la théorie du bonheur d’Arthur Schopenhauer. La démarche n’est d’ailleurs pas forcément nouvelle, puisque Platon encourageait déjà ses lecteurs à rechercher des vérités éternelles dans les objets banals ou même « grotesque – par exemple poil, boue, crasse, ou toute autre chose, même la plus dépréciée et la plus vile 2 ».
Plus près de nous, Jean-Paul Sartre s’appuyait également sur des exemples très « terre à terre » pour expliciter ses thèses sur L’Être et le Néant (1943) : l’attitude d’un garçon de café, d’une femme courtisée, d’un homme regardant par le trou de la serrure, etc. Cette pédagogie se retrouve aujourd’hui dans la pop’philosophie de Francis Métivier, fan de rock, ou de Sophie Chassat, plutôt portée sur la mode 3. S’ils poussent la vulgarisation un cran plus loin, leur but est d’adopter un ton décomplexé pour aider un large public à aborder des concepts difficiles.