Portraits croisés

La ville durable est en construction. Il existe une multitude d’expériences façonnées par les particularités d’un territoire et la volonté de certains acteurs. En voici trois exemples.

La ville durable, qui avait le vent en poupe dans les années 2000, a laissé place à une inquiétude croissante sur les impacts du changement climatique et notre capacité collective à y faire face. Les collectivités locales s’essayent plutôt aujourd’hui à des démarches de transition, axées sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre et l’adaptation au changement climatique (via la transformation du secteur énergétique et l’urbanisme durable) ainsi que sur l’accompagnement des acteurs territoriaux à des transitions multiples, qu’elles soient économiques – économie circulaire, économie de la fonctionnalité et du partage, économie relocalisée, écologisation des modes de production, etc. –, culturelles – se référant à une nouvelle sobriété – ou politiques, misant sur de nouvelles coopérations entre acteurs territoriaux et citoyens. La précédente génération de politiques territoriales de durabilité était déjà définie en bonne partie autour de la question énergie-climat (Les Pionniers de la ville durable, Autrement, 2010). On observe donc un certain continuum dans l’action publique, mais l’affichage et l’esprit du temps ont changé, poussant à anticiper les chocs et à chercher des formes de résilience.

Il existe toujours une multitude et une hétérogénéité d’expériences, façonnées par les particularités des territoires et le leadership de certains acteurs, certaines plus avancées que d’autres ou jouant sur des registres plus fondamentaux. Ces politiques ont été le fruit d’histoires et de coalitions d’acteurs singulières, fondées sur des prises de risque, des engagements, des endurances, loin des chemins routiniers des politiques sectorielles 1. Nous en donnerons ici trois exemples, à trois échelles : une petite commune périurbaine du bassin minier en France, une ville moyenne suédoise et une métropole italienne. Leurs différents types de trajectoires ouvrent aujourd’hui encore des horizons d’action, pour ces villes et pour d’autres collectivités.

Au-delà des contradictions inhérentes à une période de changement, de puissantes inerties et formes d’instrumentalisation limitent la portée des évolutions en cours. La croissance verte ou les smart cities ne parviennent pas à découpler la production de richesses, les émissions de gaz à effet de serre et la consommation de ressources naturelles. Elles réduisent le temps d’intervention possible pour limiter l’ampleur du changement climatique, détournent la société de solutions bien plus efficaces et sont la plupart du temps socialement régressives, au Nord comme au Sud. Un autre danger est le regain d’autorité ou de centralisme que peuvent susciter dans certains contextes les projets de transition, alors que seule une appropriation des enjeux au niveau le plus fin peut faire changer d’échelle les mesures de décroissance et substitution énergétiques.

Des collectivités locales en mouvement

Les croisements entre questions écologiques et sociales restent particulièrement difficiles, que ce soit à l’échelle locale ou planétaire. Pourtant, la restauration de conditions de vie écologiques détermine les fonctionnements écologiques aussi bien que sociaux. Elle engage à la fois des processus biophysiques (régulations biogéochimiques), sensibles et esthétiques (qualité du cadre de vie, bien-être), politiques et sociaux (vivre ensemble sur Terre), et enfin culturels, incarnant un espoir de réconciliation avec un monde dont les régulations écologiques et sociales sont gravement perturbées.