Historien et sociologue du politique, Hamit Bozarslan développe dans cet essai une approche critique de trois modèles de régimes a priori distincts : l’Iran des ayatollahs, la Russie poutinienne et la Turquie d’Erdogan. Derrière ces démocraties de façade se cachent des régimes autoritaires et liberticides. Tous trois pratiquent le culte du chef infaillible investi d’une mission historique, porteur d’un nouveau récit national chargé d’effacer les expériences d’occidentalisation des siècles passés. Ils exercent une combinaison de coercition étatique et de violence politique et sociale, conçue comme une revanche contre les humiliations infligées par « l’Occident impérialiste et corrupteur ». L’auteur note également le recours à la religion (orthodoxie, islam sunnite ou chiite), ainsi que l’organisation d’un État parallèle (« État profond » dans le cas turc) fondé sur les liens personnels entre élites politiques, forces de sécurité, réseaux criminels et mafieux. Enfin, les trois régimes travaillent à se construire un ennemi à la fois extérieur, l’Occident honni, et intérieur, les intellectuels et opposants démocrates, les minorités, etc. Au détour des pages, H. Bozarslan dénonce la lâcheté et l’incohérence des dirigeants occidentaux qui s’accommodent de ces régimes comme le firent les démocraties entre les deux guerres mondiales. Cependant, contrairement aux forces de l’Axe, ces antidémocraties sont militairement faibles. Leur survie est suspendue à l’usure et à la fatigue des sociétés asservies par leur joug. Ce qui conduit l’auteur à un constat raisonnablement optimiste, tenant compte du fait que ces régimes n’ont pas de vision et sont lancés dans une fuite en avant à la fois économique, politique et morale.