Pourquoi les enfants ont besoin d'histoires

L’histoire du soir répond à des besoins fondamentaux des enfants, êtres inquiets, curieux et joueurs, en quête de confidences pour habiter le monde.

Pourquoi lire des histoires aux enfants ? Ce sont habituellement des arguments « sérieux » et « utiles » qui sont mis en avant : médias, enseignants, chercheurs ou parents expliquent que cette pratique est propice à de meilleures performances dans l’acquisition de la langue, qu’elle contribue à l’élargissement du répertoire lexical, à l’enrichissement de la syntaxe, à la capacité de s’exprimer, à l’accroissement du capital culturel, bref, à une adaptation des enfants et des adolescents aux exigences du monde scolaire, puis professionnel. Les uns ou les autres insistent aussi sur son rôle dans l’exercice futur de la citoyenneté par la formation de l’esprit critique, le partage d’un patrimoine commun ou la connaissance d’autres époques, d’autres cultures, à même de protéger de l’intolérance. Ces dernières décennies, avec le développement des neurosciences, on a aussi beaucoup expliqué que les facultés cognitives seraient stimulées.

Un univers plus ample, plus intense

Pourtant, celles et ceux qui évoquent des souvenirs de textes écoutés ou lus dans l’enfance ne disent jamais : « Grâce à la lecture, j’ai eu de meilleurs résultats scolaires, j’ai été plus habile dans le maniement de la langue, ça m’a permis d’accroître mon vocabulaire. » Pas plus qu’ils racontent avoir partagé une culture commune ou être devenus des citoyens plus empathiques. Non, ce dont beaucoup se souviennent, ce qui leur a semblé premier, c’est que ces lectures ont ouvert une autre dimension : « Chaque soir, un monde parallèle naissait dans la voix de ma mère », dit une femme. « Je découvrais qu’il existait autre chose, un autre monde », dit un jeune homme. Ou encore : « C’était tout un paysage qui s’ouvrait, qui élargissait considérablement le lieu où je vivais. » Par le biais des textes qu’on leur lisait et des illustrations qu’on leur montrait, ils avaient découvert un univers parallèle, invisible, plus vaste, plus intense, et qui pourtant les ancrait plus dans le monde réel quand ils y faisaient retour.