Première vague Les thérapies comportementales

Les thérapies comportementales se fondent sur ce postulat : certains troubles mentaux, les phobies par exemple, reposent sur des réflexes conditionnés. 
Mais il est possible de reprendre rapidement le contrôle au moyen 
d’exercices pratiques.

 Les thérapies cognitivo-comportementales favorisent le court terme, affirmait sans détour Jacques-Alain Miller, fondateur de l’École de la Cause Freudienne et de l’Association Mondiale de Psychanalyse, dans l’hebdomadaire L’Express en 2004 (1). Comme la Bourse, elles sacrifient l’avenir pour embellir la réalité. Pis, ce sont des méthodes cruelles qui passent par l’exposition du sujet au trauma lui-même – par exemple en mettant un patient phobique des cafards devant des cafards. La première fois, il hurle, la deuxième fois un peu moins et, au bout de quelque temps, on considérera qu’il est guéri ! C’est du maquillage : les effets, s’ils existent, sont transitoires ou superficiels, quand ils ne se révèlent pas nocifs. En cela, l’efficacité des TCC repose uniquement sur l’autorité de l’expérimentateur, qui se pose en expert, en chef de commando. » Mais qui sont ces pseudo-thérapeutes fascisants qui laissent hurler des phobiques devant des cafards jusqu’à l’extinction de voix ? Ces gens-là ne sont pas en prison ?

Surmontons notre appréhension, et tâchons de regarder le Grand Satan dans le blanc des yeux. Dans les faits, les thérapies comportementales et cognitives sont complémentaires. Mais pour faciliter l’exposé, nous verrons les thérapies cognitives dans l’article suivant. Ici, nous ne présenterons que les thérapies comportementales, qui apparurent les premières. Pour bien les comprendre, il nous faut remonter à la découverte des mécanismes du conditionnement par Ivan Pavlov, physio­logiste russe qui décroche­ra le Nobel de médecine en 1904 (mais pour tout autre chose : les mécanismes de la digestion).

En 1901, Pavlov démontre qu’un chien peut se mettre à saliver non pas seulement à la vue de sa gamelle de nourriture, mais au seul son de cloche qui accompagne ordinairement celle-ci. En jargonnant un peu, le processus se décompose en trois étapes : 1) un « stimulus inconditionnel » (la nourriture) déclenche une « réponse inconditionnelle » (la sa­livation) ; 2) un stimulus neutre (la cloche) est associé à la nourriture ; 3) sans plus présenter la nourriture, la cloche est devenue un stimulus « conditionnel » provoquant une réponse désormais « conditionnelle », elle aussi (la salivation). Saliver face à la nourriture est un réflexe, mais saliver parce qu’un son de cloche évoque la nourriture est un « réflexe conditionné ». Un tel conditionnement, pavlovien, est aussi appelé répondant : un stimulus (S) provoque une réponse (R) de l’organisme : S => R. Ce mécanisme constitue la base de bon nombre de nos apprentissages : c’est ainsi que nous apprenons que certaines situa­tions vont provoquer du plaisir ou de la souffrance.

Les pigeons de Skinner

En 1938, le psychologue Burrhus Skinner, de l’université du Minnesota (et plus tard à Harvard), présente un second type de conditionnement, basé lui aussi sur l’observation du comportement animal. Là où Pavlov s’intéressait à un chien passif rece­vant des stimulations, Skinner étudie un chat ou un pigeon enfermé dans une boîte (la « boîte de Skinner »), mais actif : pour obtenir sa nourriture, l’animal doit appuyer sa patte sur un levier après un signal donné, sonore ou lumineux par exemple. Très vite, il associe ses comportements à leurs conséquences : il ne s’agit plus alors d’un simple conditionnement répondant, mais un conditionnement opérant, lié aux actions du sujet concerné, ses essais et ses erreurs (on parle aussi de conditionnement ins­trumental). Il est ainsi possible d’obtenir, par étapes, des comportements de plus en plus complexes de la part du chat ou du pigeon (ne presser le levier que dans une certaine posture, par exemple).