Profession : « intellectuel(le) précaire »

Diplômés de haut niveau aux statuts instables et faibles revenus : telle pourrait être la définition des « intellectuels précaires », nombreux et productifs, aussi bien dans la recherche scientifique que dans les milieux culturels et artistiques.

« Journaliste - éditeur - DJ-maquettiste», «biologiste - danseuse - sémiologue - assistante sociale », « architecte - réalisateur - secrétaire bilingue »... L'Insee devra-t-il bientôt inclure dans sa liste des catégories socio-professionnelles une nouvelle catégorie dont le terme générique serait : « intellectuels précaires » ?

Une stimulante enquête sociologique, de Anne et Marine Rambach, dessine en tous les cas les contours d'un groupe social jusqu'à présent non-identifié, et pour cause... L'ouvrage des deux demoiselles (Les Intellos précaires, Fayard, 2001) n'est pas à proprement parler politiquement correct. Il dénonce, tout en la décrivant, la situation de ces jeunes - ou moins jeunes - diplômés de niveau minimum bac + 2 (mais parfois beaucoup plus) employés comme pigistes, vacataires, auxiliaires, stagiaires, dans l'édition, la presse, mais aussi dans des entreprises diverses et variées, ou encore par l'Etat, lorsqu'il s'agit par exemple de l'Education nationale ou de la Recherche.

Groupe par essence fluctuant et volatile, il est difficile de dire exactement combien ils sont : 100 000 à 200 000 selon les évaluations. Généralement issus de classes sociales favorisées (parents fonctionnaires, cadres ou de profession libérale), ils ont cette particularité de posséder un « capital symbolique » élevé, tout en partageant les conditions matérielles et financières des moins bien lotis. Leurs revenus peuvent osciller d'environ 25 000 F (3811 ?) pour les très bons mois, à 2 000 F (305 ?) en moyenne pour de longues périodes faites de petits boulots alimentaires, comme par exemple vendeuse dans une librairie qui ne vous paye même pas au Smic et refuse de vous faire un contrat.

A cela s'ajoute l'incertitude des revenus à venir, souvent une absence de toute couverture sociale, un temps important à poursuivre les employeurs, au téléphone ou par démarchage, pour finir par accepter fréquemment des tâches mal rémunérées, au noir ou sous contrat illégal.