Sciences Humaines : Comment envisagez-vous les liens entre sciences cognitives et sciences sociales ?Bernard Lahire :
Il y a plusieurs façons d'aborder cette question. Les sciences cognitives s'intéressent plutôt à ce qu'il y a d'universel dans le fonctionnement de la pensée : les mécanismes neurologiques et psychologiques de la perception, de la mémoire, du langage par exemple. Les sciences sociales, elles, s'intéressent à la variation des conduites humaines. Car la mémoire, la perception et le langage sont aussi conditionnés socialement. Il me paraît clair que tout comportement social met en jeu à la fois du génétique, du biologique et du social. Mais vouloir réduire les conduites à une seule dimension me paraît une prétention exorbitante : ce n'est pas parce que les gènes ou les neurones sont toujours en jeu dans toute activité humaine que tout peut s'expliquer en termes de déterminisme génétique ou d'activité neuronale. Les dispositions qui sont au principe de nos conduites sont des structures perceptives et cognitives socialement façonnées. Ce sont des schèmes d'action et de perception qui ne sont ni innés, ni universels.