Pourquoi ne changeons-nous pas, alors que nous sommes conscients des problèmes qui proviennent de la répétition des mêmes comportements ? À force d’écouter des histoires de vie dramatiques, j’ai été amené à m’intéresser à leurs trames et à mettre en relation ces récits avec les scénarios de films représentant des métaphores, ce qui facilite le dialogue en thérapie cognitive. J’en ai tiré un livre, La Répétition des scénarios de vie (1), qui a mis l’accent sur un problème partagé par beaucoup : la répétition et le désir de changement.
Un scénario de vie est une situation piège dans laquelle un sujet se débat, sans succès, et qui se répète en de nombreuses occasions tout au long de la vie. La personne fait sans cesse la même chose, en espérant que les résultats vont être différents. Elle est entraînée dans la spirale descendante de l’insuccès, sans trouver la voie du changement. Ainsi, les femmes qui épousent et réépousent des hommes alcooliques aussi violents que leur père intempérant. Il n’est pas rare, aussi, de rencontrer un homme soumis aux ambitions familiales, qui, après une réussite sociale importante, fait une dépression avec un profond sentiment d’échec et d’imposture.
Un rôle distribué une fois pour toutes
Figée dans son personnage, la personne scénarisée va maintenir des relations stéréotypées et insatisfaisantes avec les autres. Surtout si ce rôle a une fonction dans un groupe, ou dans un couple qui met en scène un jeu sans fin. Ainsi la victime du devoir, la femme parfaite, le bouc émissaire, le loser, le battant, le macho, la victime, le violent, le séducteur, le séduit ou la séduite et abandonné(e)…
Des intrigues immémoriales
Les exemples, tous les jours, sont devant nos yeux, mais la littérature, l’opéra et le cinéma nous ont légué ces types psychologiques dans des récits répétitifs dont les similitudes sont masquées par le talent des artistes. Le Don Juan de Mozart, avec ses mille et trois conquêtes, représente l’image la plus visible de la répétition masculine. La Madame Bovary de Gustave Flaubert avec ses rêves inaboutis a eu une longue postérité dans les mélos des années 1950 : en particulier Tout ce que le ciel permet de Douglas Sirk (1955), pastiché récemment, avec talent, par Todd Haynes dans Loin du paradis (2003). Elle est aussi l’ancêtre des Desperate Housewives. Friedrich Nietzsche avait très bien compris sa position centrale dans l’imaginaire collectif, lorsqu’il déclara : « Toutes les héroïnes de Wagner ressemblent à s’y méprendre à Madame Bovary ».