Prostitution, quel est le problème ?

Prostitution, quel est le problème ?, Lilian Mathieu, Textuel, 2016, 144 p., 13,90 €.

Ce petit livre stimulant invite à dépasser l’habituel débat sur la prostitution. Avec rigueur et méthode, Lilian Mathieu, sociologue au CNRS, spécialiste reconnu de la question, s’emploie à décortiquer les arguments des deux camps : ceux des abolitionnistes, qui assimilent le sexe tarifé à une forme d’aliénation, et ceux des légitimistes, qui militent pour que cette activité soit reconnue comme un métier.

Le ton n’est pas polémique, mais bien celui de la démonstration qui déconstruit pas à pas les positions et en montre les apories. Trois pistes sont ainsi explorées pour essayer de saisir le « phénomène prostitutionnel » : celle de la légitimité d’une sexualité sans désir ; celle du degré de consentement des prostituées quant à leur condition et enfin celle de la comparaison entre prostitution et esclavage.

À ces questions, généralement prises en charge par des philosophes, L. Mathieu répond avec les outils du sociologue sensible à la complexité du réel. Dans sa perspective empirique, la prostitution entendue comme phénomène essentialisé et unifié n’existe pas. Il est en revanche possible de distinguer différentes pratiques et formes prostitutionnelles qui trouvent essentiellement leur origine dans des logiques économiques. Car la thèse de L. Mathieu est énoncée clairement : si contraintes il y a, ce sont surtout celles imposées par le système capitalisme néolibéral, qui poussent des hommes et des femmes à se prostituer pour survivre, à défaut de pouvoir leur offrir un destin alternatif. Dès lors, le véritable combat ne doit pas se dérouler dans le champ de la morale, mais bien dans celui du politique et des luttes sociales. Un verdict certes argumenté, mais qui met le couvercle sur les formes antérieures de cette activité réputée millénaire.