Le 11 septembre 2001 : c'est, ironie de l'histoire, la date que les membres du Conseil d'analyse économique (CAE) 1 avaient retenue pour remettre une première épreuve d'un rapport (le 37e) au Premier ministre de l'époque, Lionel Jospin. Deux jours plus tard, malgré les événements que l'on sait, les membres se réunirent pour discuter du contenu, et ce en présence dudit Premier ministre. Loin de le rendre dérisoire, ces événements n'avaient fait au contraire qu'en souligner le caractère brûlant. Et pour cause, il examinait une question inscrite désormais dans l'agenda des dirigeants politiques comme dans celui du monde de la recherche : les conditions d'une gouvernance mondiale, autrement dit l'ensemble des processus par lesquels « des règles collectives sont élaborées, décidées, légitimées, mises en oeuvre, contrôlées », selon la définition proposée par l'un des contributeurs, Pascal Lamy 2.
Le rapport de synthèse et les commentaires donnèrent lieu quelques mois plus tard à la publication d'un épais ouvrage de plus de 500 pages, dans une relative indifférence 3. Pourtant, il offre un état des lieux approfondi à la fois de la réflexion théorique et des pratiques en matière de gouvernance mondiale, à partir d'un panorama préalable des acteurs qui concourent à l'élaboration de normes, de règles ou encore de codes au niveau mondial : organisations internationales, Etats, mais aussi ONG, autorités de marché, etc., sans oublier les mouvements dits altermondialistes. Dans une contribution, l'économiste Christian Chavagneux soulignait déjà le rôle également croissant d'« autorités illicites » sous l'effet de la « mondialisation du crime et de la finance terroriste sinon mafieuse ».
Mais c'est davantage les dysfonctionnements des organisations internationales du système de Bretton Woods (le FMI, la Banque mondiale et l'OMC), concentrant d'ordinaire les critiques des mouvements alter- ou antimondialisation, qui retinrent l'attention des trois auteurs du rapport de synthèse : Pierre Jacquet (directeur exécutif de l'Agence française de développement), Jean Pisani-Ferry (professeur d'économie à l'université Paris-Dauphine) et Laurence Tubiana (spécialiste des questions environnementales).