Entériner la sécurité des vaccins, la réalité du changement climatique, ou l’inefficacité de l’homéopathie comme autant de faits scientifiques incontestables : tel était l’objectif de la tribune « No fake science » publiée à l’été 2019 par un collectif de militants de la science. Critiquée par les uns pour sa défense des sciences expérimentales comme seules détentrices de vérité, elle a non moins été saluée par les autres comme l’héritière du combat rationaliste contre l’obscurantisme. Un clivage qui ne surprend pas Sylvain Laurens, directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS) et auteur d’un ouvrage sur l’histoire des mouvements rationalistes 1 : « Il ne s’agit que du prolongement contemporain des débats qui ont animé ces communautés depuis le début du 20e siècle. » Tout commence en 1930, lorsque la fine fleur des universitaires parisiens crée l’Union rationaliste avec la volonté de lutter contre tout ce qui pourrait entraver une activité scientifique autonome, à commencer par l’influence de l’Église. Mais c’est surtout à partir de 1968, avec la constitution de l’Agence française d’information scientifique (Afis) qui réunit des universitaires héritiers des Lumières mais aussi de nombreux ingénieurs attachés à la promotion du progrès technique, que se structure la position rationaliste actuelle : « Le but était d’asseoir auprès du grand public un rapport positif à la science, adossé à un esprit critique », analyse S. Laurens. Rapidement, la lutte contre les pseudosciences (astrologie, parapsychologie) devient un horizon commun du combat rationaliste qui entend préserver le grand public de l’emprise des charlatans, des médias peu scrupuleux, mais aussi des peurs engendrées par les technologies : « Pour eux, il était tout aussi irrationnel de craindre les centrales nucléaires, les OGM ou les vaccins, que les maisons hantées », souligne S. Laurens.
Article issu du dossier
Le choc des idées
13 articles