Rencontre avec Benoît Peeters.« La bande dessinée connaît un âge d'or créatif »

De la ligne claire de Tintin aux blogs BD qui prolifèrent sur la toile, la bande dessinée a fait du chemin. Désormais, elle touche à tout et s'adresse à un large public. Entretien avec le scénariste Benoît Peeters, pour dessiner les contours d'un médium en plein essor.

La bande dessinée a diversifié ses supports, ses formes, et ses thèmes. Est-il encore possible de la définir ?

Pendant longtemps, on a associé la bande dessinée à l'enfance et au comique. Depuis 20 ans, cette définition n'a plus de sens. La bande dessinée adulte est plus présente aujourd'hui que la bande dessinée jeunesse, et la bande dessinée sérieuse l'est davantage que la bande dessinée humoristique. Autre phénomène frappant : ces dernières années, la bande dessinée s'est internationalisée, alors que les trois principales traditions franco-belge, japonaise et américaine avaient longtemps vécu de manière autonome. L'été dernier, j'étais invité à un festival à Taïwan, et je présentais des tendances récentes de la bande dessinée européenne. Quand j'ai montré des images de Bastien Vivès, un jeune auteur très en vue ici, les réactions du public ont été immédiatement positives. Les sensibilités graphiques passent les frontières et Internet en est devenu un vecteur. Craig Thompson (Blankets, Habibi), par exemple, emprunte à toutes les traditions. Il est autant influencé par l'Américain Will Eisner (The Spirit, Un bail avec Dieu) que par des auteurs européens. Quant aux supports, la bande dessinée fut pendant longtemps cantonnée à la presse et au livre. Aujourd'hui, la part de la presse a considérablement décru et le livre a changé dans ses formats, sa pagination, et sa présentation. Parallèlement, d'autres supports, comme les blogs, les sites Internet, et les tablettes, sont apparus.

Cependant, je ne pense pas que toutes ces mutations aient profondément modifié la nature du médium. Au contraire, je suis frappé par le fait qu'une forme née au XIXe siècle se soit maintenue dans ses structures de base: la division des images, la synthèse du mouvement, la présence du texte dans des bulles ou sans bulles, le blanc entre les vignettes... Entre une bande dessinée de Winsor McCay (Little Nemo) au début du XXe siècle et une autre de Chris Ware (Jimmy Corrigan) au début du XXIe siècle, je suis plus frappé par les similitudes que par les divergences.

 

La bande dessinée est avant tout perçue comme un support ludique, pensez-vous qu’elle puisse être également un média efficace ?