Mais la France rattrape vite son retard. En quelques années, les sciences cognitives envahissent à la fois les institutions nationales de la recherche, et l'actualité intellectuelle. Sous l'égide des ministères concernés, du CNRS, des universités et des grandes écoles, les sciences cognitives s'installent. Les premiers diplômes de troisième cycle sont délivrés et les éditeurs publient quantité d'ouvrages de sciences cognitives.
Mais qu'est-ce donc que ces sciences cognitives dont tout le monde parle ? Selon Daniel Andler, en donner une définition précise est impossible. Le mieux que l'on puisse dire, sans prendre trop de risques, c'est « qu'elles ont pour objet de décrire, d'expliquer et le cas échéant de simuler les principales dispositions et capacités de l'esprit humain - langage, raisonnement, perception, coordination motrice, planification... ». Définition prudente. Un dictionnaire américain les renvoie, lui, à « l'étude interdisciplinaire de l'acquisition et de l'utilisation de la connaissance ».
L'interdisciplinarité des sciences cognitives est en effet l'une de leurs particularités. Psychologie, linguistique, anthropologie, philosophie et informatique sont toutes impliquées. Mais ce sont l'intelligence artificielle et les neurosciences qui en constituent les principaux piliers.
Multiples connexions
L'intelligence artificielle, discipline au nom orgueilleux, est née en 1956 au Darmouth College lors d'une école d'été. Elle était destinée à modéliser sur ordinateur la prise de décisions. A ses débuts, elle était principalement fondée sur la logique formelle, essayant de reproduire les étapes par lesquelles l'humain réalise, par exemple, un calcul mental ou décide d'une combinaison au jeu d'échecs. Le modèle de l'esprit-machine s'impose : le langage, la pensée, les connaissances, la perception, la mémoire, toutes les fonctions de l'esprit sont peut-être traduisibles sous forme d'un « programme » semblable à un programme informatique. La pensée est au cerveau ce que le logiciel est à la machine. L'espoir est d'arriver bientôt à une formalisation complète des processus mentaux. Certaines avancées sont réelles : l'intelligence artificielle permet de modéliser des systèmes experts, et de décrire la prise de décision ou la résolution de problèmes. Elle reste par contre faible pour simuler la perception, le langage ou l'accès au sens.