Tenir son journal, miroir et gouvernail Entretien avec Bernard Lahire

Trois millions de Français, principalement de jeunes femmes, 
tiennent un journal intime. Pour le sociologue Bernard Lahire, cette pratique aide non seulement à mieux se connaître, mais aussi à mieux vivre.

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Qui tient son journal ? Existe-t-il un profil sociologique spécifique ?

Les enquêtes statistiques nous apprennent que l’écriture du journal personnel est d’abord et avant tout le fait d’adolescentes. Ce n’est pas très étonnant dans la mesure où l’adolescence est un temps d’interrogations, et parfois de crises, où l’« ami idéal » auquel on peut tout dire peut être précisément ce journal. Par ailleurs, l’expression des sentiments personnels et le monde de l’intériorité renvoient dans nos sociétés à des réalités plus féminines que masculines. Enfin, pour compléter le profil, il va de soi que la tenue d’un journal personnel dépend de l’aisance relative entretenue avec l’écrit : plus on vient d’un milieu scolarisé et lettré, plus on est soi-même doté de ressources scolaires, et plus on a de chances de tenir l’écriture pour une affaire très « personnelle ».