Troisième vague Recentrage sur l'émotion

Il ne s’agit plus seulement d’observer nos comportements et nos pensées, 
mais aussi nos émotions. Tel est l’objectif des nouvelles TCC, qui s’inspirent notamment de techniques de méditation.

Pleine conscience et acceptation sont les notions-clés de la troisième vague de TCC : observer nos émotions sans jugement, accepter les pensées négatives telles quelles sans essayer de les transformer, en somme mieux vivre avec ses imperfections. Or, souvenons-nous, au début du comportementalisme, il était plutôt question d’isoler les comportements problématiques pour les modifier ensuite.

Les premières thérapies comportementales commencent à émerger dans les années 1950. S’appuyant sur les théories du conditionnement classique et opérant, les premiers modèles thérapeutiques partent de l’idée que les comportements pro­blèmes ont été appris dans le passé et qu’ils peuvent être modifiés par l’apprentissage de réponses alternatives (article p. 28). Apparaissent ensuite les thérapies cognitives à partir des années 1960, qui vont se focaliser davantage sur le traitement de l’information par le cerveau. Toujours dans une optique de changement, les thérapies cogni­tives s’intéressent aux pensées inadaptées. À travers le processus de restructuration cognitive, le patient apprend à identifier puis à modifier ces perceptions qui posent problème (article p. 32). Les thérapies de la troisième vague se profilent à partir des années 1990. Elles annoncent alors un virage conséquent dans le champ des TCC.

« Plutôt que de cibler directement les symptômes (…), elles cherchent davantage à agir sur la relation de l’individu à ses symptômes », écri­vent les psychologues Frédérick Dionne et Marie-Claude Blais dans l’ouvrage collectif Pleine conscience et acceptation. Les thérapies de troisième vague (1).

Pour le psychologue Jean-Louis Monestès et le chercheur en psychologie Matthieu Villatte (2), formateur à l’Evidence-Based Practice Institute, à Seattle, aux États-Unis, il y a d’un côté des « manifestations psychologiques normales et inhérentes à la condition humaine », même si elles sont source de souffrance, et, de l’autre, des « adaptations problématiques » à celles-ci. Ces auteurs évoquent un changement de paradigme dans ces nouvelles approches thérapeutiques, qui consiste à « retrouver une liberté de manœuvre et de pensée en présence d’événe­ments psycho­logiques difficiles, et parvenir à ne plus se laisser piéger par les sirènes d’une soi-disant normalité exempte de toute manifestation psychologique indésirable ». Ne se trouve-t-on pas ici à mille lieues du fameux « stimulus-réponse » ? Voyons plus en détail les principales approches thérapeutiques de cette troisième vague.

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• La thérapie basée sur la pleine conscience (MBCT)

Le professeur de médecine améri­cain Jon Kabat-Zinn a développé le premier, en 1982, une intervention à but thérapeutique s’inspirant des pratiques de méditation bouddhiste : la réduction du stress basée sur la pleine conscience (ou mindfulness). La pleine conscience, dans la tradition bouddhiste, décrit un état dans lequel l’individu se recentre sur lui-même et ses perceptions brutes, c’est-à-dire les cinq sens, les émotions et pensées venant spontanément à l’esprit. Il est alors invité à se priver de toute interprétation de ces données et à les observer simplement. En 2002, les psychologues John Teasdale, Mark Williams et Zindel Segal établissent un programme appelé thérapie basée sur la pleine conscience (MBCT), intégrant la méditation de pleine conscience au sein de la thérapie cognitive. « L’idée est d’aborder l’expérience pour ce qu’elle est, considérer ses pensées comme des pensées et non comme des faits, note Rollon Poinsot, psychologue cognitiviste à Marseille, spécialisé dans les approches de la troisième vague. Il s’agit de reconnaître, d’accueillir et de laisser s’écouler ses émotions, y compris les plus pénibles. Vouloir éviter, vouloir contrôler les émotions, c’est peine perdue. En effet, nous avons tous spontanément tendance à mettre en place des stratégies visant à diminuer la souffrance à court terme, mais qui n’empêchent pas qu’elle revienne. »

Concrètement, le protocole MBCT se présente sous forme de 8 séances collectives d’environ deux heures. L’indication se fait à partir d’un questionnaire d’autoévaluation réalisé par le thérapeute lors d’un entretien préalable. Les séances en groupe sont structurées par deux entraînements aux pratiques de méditations entrecoupés d’un temps d’échange avec les participants, et un temps d’éclairage théorique. « On cherche à entraîner l’esprit à sortir des automatismes, à développer une zone tampon, qui permet de prendre conscience de ce qui arrive et qui offrira davantage le loisir de décider et d’agir en fonction de ce que l’on souhaite », explique Rollon Poinsot. Entre les séances hebdomadaires, les participants sont invités à s’exercer quotidien­nement et à prendre des notes sur leur vécu émotionnel.