Il est rare qu’un concept fasse la une des journaux et prenne le pas sur le tumulte d’événements. Ce fut pourtant le cas en 2017, avec le populisme.
Le triptyque Brexit-Trump-Le Pen devait couronner un « moment populiste 1 », au visage de représentants politiques réunis par leur rejet des élites et leur prétention à incarner directement les revendications du peuple. Une suite logique semble effectivement se dessiner depuis le début de la décennie : Viktor Orbán et son programme de « révolution nationale » en Hongrie, la confiscation des pouvoirs par Recep Tayyip Erdogan en Turquie, le culte du chef en Russie avec Vladimir Poutine…
En quête des racines populistes
Pour l’historien Pascal Ory, de tels choix électoraux puisent dans un imaginaire beaucoup plus ancien que le sont ces leaders contemporains. Dans son essai Peuple souverain. De la révolution populaire à la radicalité populiste, P. Ory présente le populisme comme le fruit d’une « culture de la radicalité » sédimentée au fil des siècles, fraîchement réanimée par les déçus de la mondialisation. Le déclic : 1975. Cette année-là marque selon lui « la fin de l’espérance » et le début de la mondialisation de l’individualisme. Le résultat : un « ressentiment » collectif. L’auteur rejoint ici l’analyse de plusieurs sociologues, comme Éric Fassin – dont le choix de titre est explicite : Populisme : le grand ressentiment –, Adam Shatz 2 ou encore Eva Illouz 3. Selon eux, le populisme s’enracinerait dans le sentiment de peur des dominants (hommes blancs notamment), bousculés par la concurrence de minorités émergentes (femmes ou émigrés). De ce trauma émotif s’ensuivrait un engouement général autour de l’idée de nation – repère suprême – qui elle seule fait converger les différentes familles politiques.