Vue de l’Est, la chute du mur de Berlin existe en plusieurs versions. On le comprend à la lecture de ce volume, en partie fondé sur des enquêtes menées par une quinzaine de chercheurs (historiens, géographes, politologues) auprès des habitants d’anciennes démocraties populaires. En Allemagne, en Pologne, en Roumanie, en Bulgarie, en République tchèque et en Biélorussie, c’est chaque fois un autre regard qui est porté sur les événements de 1989, puis sur l’effondrement du bloc soviétique. Comme l’écrit Jérôme Heurtaux, « il y a autant d’“événements 89” qu’il y a de versions nationales de la sortie du communisme ».
Cependant le clivage Est-Ouest garde un certain sens lorsque, par exemple, il s’agit de caractériser ces révolutions. Dans le discours politico-médiatique de l’Ouest, la fin des régimes communistes marque le début d’une nouvelle ère de l’histoire mondiale. Pour une bonne partie de la population des pays concernés, c’est un non-événement, par rapport auquel les politiques mémorielles officielles ont souvent un caractère artificiel et rhétorique. La chute du Mur a-t-elle marqué une révolution politique ? Peut-être. Une révolution sociale ? Pas partout. Si, aujourd’hui encore, les régimes communistes peuvent susciter de la nostalgie, c’est qu’ils n’ont pas laissé sur place que des souvenirs douloureux. Une jeune Tchèque témoigne : « C’est vrai qu’il n’y avait rien à acheter. Aujourd’hui, les magasins sont pleins mais vous ne pouvez toujours rien acheter (…), et ça vous met en colère de voir qu’il y a plus de choix, plus de marchandises, mais que vous ne pouvez toujours rien acheter… »