Une singularité française ?

Plutôt que d'exception française, c'est davantage de singularités qu'il convient de parler sans préjuger de leur persistance dans le temps. C'est du moins ce qui ressort des contributions des chercheurs réunis dans ce numéro.

Une exception française ? Derrière ce titre, une quinzaine de contributions de chercheurs (pour l'essentiel sociologues, économistes et politologues) qui se proposent d'aborder différents aspects de la France à partir d'approches comparatives. Lesquelles s'appuient le cas échéant sur les données d'institutions internationales (OCDE, Eurobaromètre, Pisa, etc.) ou des programmes de recherches internationaux : l'Enquête sur les valeurs des Européens, pour l'évolution des valeurs et des croyances ; Reguleducnetwork, pour les régulations des systèmes éducatifs ; le Comparative Charting of Social Change pour les tendances des sociétés postindustrielles ; le PartCom Multilevel Programme pour l'analyse de l'abstentionnisme en Europe, etc.

Ainsi que le rappelle en introduction le sociologue Michel Lallement (voir l'article, p. 8), la démarche comparative est ancienne : on la décèle chez les philosophes du XVIIIe siècle, bien avant qu'elle ne s'impose dans les sciences sociales. Il faut cependant attendre ces dernières décennies pour assister en France à son développement. L'enjeu n'est pas seulement académique, il est aussi stratégique : dans le contexte de mondialisation, elle peut être utile pour mettre en évidence les attraits du pays...

La démarche peut recouvrir cependant des méthodes différentes dont au moins deux peuvent être schématiquement distinguées.

La première consiste à comparer à partir d'indicateurs statistiques. On ne s'étonnera donc pas de découvrir au fil des pages des chiffres et des graphes. Plusieurs auteurs y recourent non sans pointer les limites de cette méthode du fait des difficultés à disposer de données harmonisées entre les pays considérés - notamment en matière de délinquance et de violence où, comme le rappelle Sébastian Roché (voir l'article, p. 72), on ne dispose de données harmonisées que pour les homicides. A quoi s'ajoutent les doutes qui pèsent sur les données fournies par certains pays. Surtout, il y a l'abstraction inhérente à l'expression statistique qui fait fi du contexte social, politique, institutionnel. La prise en compte de ce contexte est justement ce qui caractérise l'autre approche comparative. Dans cette perspective, pas ou peu de chiffres mais des descriptions des institutions qui régissent les relations sociales ou participent à l'élaboration des politiques publiques.