Au grand air ! Après Bordeaux en 2006, l’Association Française de Sociologie (AFS) organisait pour la deuxième fois son congrès bisannuel en province, à Grenoble. Comme à chaque fois, toute la profession s’y réunit pendant quatre jours pour faire le point sur l’actualité de la discipline.
Du point de vue institutionnel, on le sait, le contexte est difficile, comme le soulignaient les « États généraux de la sociologie » tenus pendant le congrès : montée en puissance des logiques d’évaluation quantitative dans lesquelles les chercheurs ne se reconnaissent pas, pénurie de postes et précarisation de la recherche, réforme de l’enseignement de Sciences économiques et sociales qui marginalise la sociologie…La charte de déontologie constitue également une pierre d’achoppement, des désaccords persistant sur l’équilibre à trouver entre droit des enquêtés, droit des commanditaires d’enquête et droit du chercheur à enquêter librement. Le projet de charte soumis au vote lors du congrès (consultable sur le site web de l’AFS) a en tout cas été rejeté.
Sciences sociales : une internationalisation inégale
Cela n’a pas empêché l’AFS de se doter d’un nouveau président (Didier Demazière), et surtout d’offrir un programme pléthorique à travers les tables rondes et les sessions réservées aux 45 réseaux thématiques de l’association (de la « sociologie des relations professionnelles » à la « sociologie de l’environnement et des risques », en passant par les « réseaux sociaux »). Petite promenade dans les allées du congrès…
Une table ronde était consacrée à la question des échanges scientifiques internationaux. Selon le politiste Laurent Jeanpierre, ces derniers se sont clairement accrus au cours des dernières décennies : dénationalisation des références bibliographiques, augmentation des collaborations scientifiques intercontinentales, du nombre d’étudiants étrangers (2,8 millions en 2007)…Pour autant, les spécificités nationales restent fortes. Disséquant la sociologie américaine, Étienne Ollion montrait qu’elle restait une discipline autocentrée : entre 1990 et 2002, 85 % des articles parus dans les principales revues américaines de sociologie portaient sur les États-Unis. Au-delà, ce sont une certaine épistémologie ou la structure même des articles (revue de littérature/données et méthodes/résultats/discussion) qui lui donnent une coloration spécifique.
L. Jeanpierre signalait enfin que, paradoxalement, l’internationalisation n’a pas profité aux sciences sociales du Sud. Baisse des dépenses publiques pour l’enseignement supérieur et montée de la recherche sur commande (via des ONG ou des organisations philanthropiques) se combinent pour faire régresser la part des travaux académiques issus par exemple d’Amérique latine ou d’Afrique subsaharienne dans la production mondiale de sciences sociales.
, se demandait Olivier Galland lors d’une table ronde sur le thème « valeurs et structure sociale ». Prenant la suite de Y. Le Henaff, David Michels soulignait, lui, à partir d’une enquête sur la consultation sexologique, combien les hommes ayant des troubles de l’érection résistent à la « psychologisation » du problème. Bâtissant, avant même de consulter, des explications fondées sur des facteurs somatiques (une ancienne opération de la prostate, ou une activité professionnelle ayant exposé à des radiations et à des ondes par exemple), ils délégitiment d’emblée l’approche psychothérapeutique des sexologues (). Cet attachement au caractère physiologique de la sexualité semble d’autant plus fort quand ces hommes sont en situation de déclassement, leur identité masculine restant . , Grenoble, 5-8 juillet 2011 (http://www.afs-socio.fr) le compte-rendu du colloque par Pierre Mercklé sur son blog : http://www.pierremerckle.fr (#afs11) est téléchargeable sur le blog du site web Culture ordinaire : http://blog.cultureordinaire.net