En même temps qu'elle s'est massifiée et peut-être démocratisée, nul ne peut plus ignorer que l'école est en France au centre du débat public. Depuis une vingtaine d'années, on observe une tendance généralisée des politiques à convoquer les experts (ici, les sociologues de l'éducation) pour justifier des réformes successives proposées avec plus ou moins de bonheur... Certains se félicitent alors de voir une science sociale se rendre utile. D'autres, en revanche, voient dans cette fonction d'expertise une dépendance dangereuse à l'égard des demandes politiques. C'est la position de Frank Poupeau.
On ne s'étonnera pas que - chercheur issu du Centre de sociologie européenne et publié chez Raison d'agir, deux organes fondés par Pierre Bourdieu - l'auteur déplore que la sociologie de l'éducation se soit ainsi « détournée de l'analyse du système d'enseignement et de sa contribution à l'ordre social inégalitaire ». Mais pour développer son argumentation selon laquelle, ce faisant, la discipline a perdu son autonomie et par là même sa valeur scientifique, il se livre à une fort intéressante reconstitution de son histoire depuis les années 60. Il retrace en particulier la naissance et le développement des différents lieux de recherche (INRP, Cadis, Iredu, groupe Escol de Paris-VIII, équipes d'IUFM...), les combats et les oppositions entre ses grands protagonistes (Bourdieu, Raymond Boudon, Antoine Prost...). Il n'hésite pas d'ailleurs à rendre hommage à quelques grandes figures de la sociologie de l'éducation comme Viviane Isambert-Jamati (pour lui, le fait que l'un des premiers groupes de travail sur l'éducation a été confié à une femme atteste du « caractère dominé » de la discipline...) ou encore, aujourd'hui, Marie Duru-Bellat ou Agnès van Zanten.