Vers le transanimalisme

Le transhumanisme a pour ambition d’augmenter technologiquement l’être humain. Le transanimalisme partage ce projet pour l’animal, à des fins de rentabilité et de recherche. Et pose de redoutables questions éthiques.

Historiquement, le terme de transhumanisme est antérieur à celui de transanimalisme. Ce dernier constitue une voie d’essai, d’expérimentation vers les possibles transhumanistes. Tout cela pour le meilleur (bien que ce qualificatif soit discutable) concernant les humains et globalement, pour l’instant, pour le pire concernant les animaux. Pour comprendre pourquoi et comment penser le transanimalisme, il convient avant tout de rappeler quelques éléments de base au sujet du transhumanisme.

Une question d’aliénation

Le terme « transhumanisme » apparaît en 1957 dans New Bottles for New Wine, un livre du biologiste Julian Huxley, le frère du fameux Aldous Huxley (connu pour son roman Le Meilleur des mondes, 1932). Dans ce texte, Julian Huxley fait la promotion d’un eugénisme technoscientifique qu’il considère comme positif, et qui mènerait selon lui à l’émergence d’une espèce « transhumaine ». Le transhumanisme, en tant mouvement de pensée, apparaît dans les années 1980 et 1990 notamment sous l’égide du philosophe anglais Max More (Principles of Extropy, 1990). Ce mouvement protéiforme oscille politiquement entre l’ultra-libéralisme et le technoprogressisme : le réduire à un discours univoque serait peu fidèle à la diversité des univers et propositions transhumanistes. Néanmoins, rappelons ici quelques éléments communs.

Le transhumanisme fait la promotion de l’augmentation et de l’amélioration des capacités physiques, cognitives, et même morales des humains, grâce aux sciences et aux technologies. Il est souvent critiqué et décrié comme une utopie ou une dystopie scientiste, aboutissant à la fin de l’humain et de l’humanité (au sens philosophique du terme) ; à la fusion humain/machine ; à l’aggravation des disparités économiques, voire ontologiques, entre les humains les plus riches et les plus démunis. Que le transhumanisme soit une utopie, une dystopie, ou qu’il décrive avant l’heure le destin des êtres humains, il n’est pas moins une invitation à la réflexion sur ce qu’est être humain, sur le rapport des humains aux technologies et, pourquoi pas, sur le rapport des humains aux autres espèces animales. Notons d’ailleurs que dans un scénario transhumaniste maximal, l’espèce humaine deviendrait une sous-espèce transhumaine, ce qui ferait des humains actuels les « animaux » de demain.

Pour bien saisir ce à quoi fait référence le transanimalisme, l’art est bien souvent un formidable adjuvant. Le roman de Vincent Message, Défaite des maîtres et possesseurs 1, nous place, êtres humains, dans la situation dans laquelle se trouvent actuellement les animaux, qui sont l’objet de commodification (transformation en marchandise consommable) ou tout simplement au service des humains, ou encore, dans le meilleur des cas, dans une collaboration étroite humains/animaux. Dans ce roman, Vincent Message raconte l’histoire d’une espèce supérieure aux humains qui, de ce « simple » fait, s’estime tout à fait légitime pour nous assujettir à des tâches souvent ingrates, pénibles, douloureuses, dégradantes voire morbides. Quel salut envisager pour ces humains ? En l’absence d’un consensus culturel, philosophique et juridique leur attribuant des droits (réellement appliqués) à disposer d’eux-mêmes, des droits prenant en considération leur valeur intrinsèque et reconnaissant leur vulnérabilité, leur seule chance de salut reposerait sur l’accroissement de leur capacité cognitive. Mais cela ne serait pas forcément suffisant. Car on peut bien avoir des capacités cognitives spécifiques assez élaborées, si elles sont si différentes qu’elles ne sont pas comprises et pas reconnues par l’espèce en situation de pouvoir, les chances de salut demeurent faibles.