Aujourd'hui, deux Français sur trois considèrent qu'« il ne peut y avoir de lignes directrices parfaitement claires pour savoir ce qui est le bien et le mal ; (que) cela dépend entièrement des circonstances »1. Cette attitude s'accompagne de changements marquants dans le domaine de la religion : retrait de l'Eglise des débats publics, fin de son emprise normative et montée de l'indifférence des individus à son égard.
La laïcité s'est imposée comme une évidence
Depuis la réforme conciliaire de Vatican II en 1965, il n'y a plus guère que quelques adeptes de Mgr Lefebvre qui refusent de confier le religieux à la conscience privée. La laïcité s'est de fait imposée comme une évidence, tout comme s'est imposée l'idée d'une Eglise au service des croyants, et non plus l'inverse. L'Eglise parie, elle, sur la persistance du sentiment religieux des individus et se positionne en interlocuteur d'une demande supposée naturelle.
De leur côté, les Français, même parmi les pratiquants réguliers, souhaitent de moins en moins que l'Eglise se prononce sur des questions comme l'avortement, la contraception, l'homosexualité, la masturbation, les relations sexuelles avant le mariage ou encore l'usage du préservatif. Ils sont aussi de plus en plus à estimer que l'Eglise n'a pas à intervenir dans le débat politique. Enfin, une majorité des catholiques dénie même à l'Eglise le droit de juger des critères de la foi : 53 % d'entre eux trouvent excessif que, « quand des personnes demandent le baptême ou le mariage à l'Eglise, des prêtres posent parfois des exigences sur le sérieux de cette demande ».
D'autre part, les pratiques religieuses sont en forte baisse. La pratique hebdomadaire, qui concernait un quart des Français au début des années 50, est suivie au début des années 90 par moins d'un Français sur dix. Les cultes qui marquent des étapes de la vie s'érodent moins vite : on observe cependant une diminution continue des mariages catholiques (trois quarts des mariages en 1972, la moitié en 1994) et des baptêmes (90 % des naissances au milieu des années 50, 60 % au milieu des années 90). Seules les pratiques liées à la mort résistent relativement bien, puisque 71 % des Français jugent encore important d'avoir une cérémonie religieuse lors du décès 2.