Vers une postdémocratie ?

La démocratie est-elle une valeur universelle qui s’impose irrésistiblement au monde entier ? La fragilisation des États-Unis et les nouvelles dynamiques de la mondialisation relancent le débat.

En 1989, peu avant la chute du mur de Berlin, le politiste américain Francis Fukuyama écrit un article devenu célèbre : « La fin de l’histoire » (1). Sa thèse – la victoire de la démocratie libérale sur son ennemi héréditaire, le totalitarisme – est aussi claire que définitive. F. Fukuyama ne dit pas que le monde sera à jamais pacifié, mais que la démocratie s’est imposée comme l’idée régulatrice du monde contemporain.

Près de vingt-cinq ans après, ce diagnostic semble s’être réalisé, en partie au moins. Le Polity IV Project, un programme de recherche qui établit un indice de démocratisation (sur une échelle de 1 à 10) dans les pays de plus de 500 000 habitants, relève que le nombre de pays obtenant une note supérieure ou égale à 8 a fortement augmenté, passant d’une cinquantaine de pays en 1989 à plus de 90 en 2013 (2). La démocratisation est apparue comme un leitmotiv pour les pays vivant sous un régime autoritaire, voire totalitaire : ce fut le cas dans les années 1990 en Europe postsoviétique et plus récemment au Moyen-Orient avec les « printemps arabes ».

Un monde unidimensionnel ?

Certes, la démocratie, définie a minima comme un régime politique pluraliste basé sur des élections libres, peine toujours à rallier les opinions publiques. Dans les « vieilles » démocraties d’Europe de l’Ouest comme dans les « nouvelles » démocraties à l’Est, les partis « nationaux-populistes » réussissent des percées électorales spectaculaires (Union démocratique du centre en Suisse, Front national en France, parti Fidesz de Viktor Orbán en Hongrie…). Mais ces partis, aussi critiques soient-ils à l’égard du pouvoir politique, expriment un attachement plus ou moins stratégique aux principes démocratiques, sans doute parce qu’ils ont compris que la démocratie l’avait emporté sur le plan des valeurs.