Les habitants des pays industrialisés savent désormais que confort et croissance se payent par des risques accrus pour leur santé. Exemple récemment révélé : la contamination massive des Européens par des « polluants éternels » dénommés PFAS. Près des sites les plus polluants, des habitants vivent cette expérience de manière plus intense et quotidienne encore.
Christelle Gramaglia, sociologue des sciences de l’environnement, a mené des enquêtes auprès de ces derniers pour comprendre comment les émanations industrielles affectaient leur vie de tous les jours. Elle décrit une cohabitation forcée dans les Bouches-du-Rhône avec la pollution causée par les torchères à Fos et à Port-Saint-Louis, où les plaintes des habitants sont quantité négligeable pour les experts et les autorités, les modélisations étant seules aptes à juger de leur nocivité. Dans des terres cernées par des installations au lourd passé industriel, les habitants jouent un rôle de vigie. À Viviez dans le Gard ou à Salindres dans l’Aveyron, les jardiniers et les pêcheurs ont eux-mêmes signalé les dégâts que les usines infligent aux plantes et aux poissons. Cependant, les résidents n’en sont pas moins attachés à leur territoire. Ils peuvent aller jusqu’à minorer les risques comme à Viviez, lorsqu’une campagne de dépistage de l’arsenic et du cadmium a suscité la méfiance des habitants. Ils craignaient l’image inhospitalière que l’opération risquait de donner à la région. Un des aspects les plus intéressants abordés dans le livre est de montrer les initiatives prises par les habitants face aux pollutions. À Fos-sur-Mer comme à Salindres, ils évitent de cultiver des légumes dans leurs jardins.