L’école est un lieu d’apprentissage, de socialisation, de découvertes… et de souffrance, pour les enfants qui ne parviennent pas à y trouver leur place. Souffrance qui se traduit dans la plupart des cas par des difficultés scolaires.
Troubles scolaires…
Il est très difficile de rentrer sur le marché du travail sans diplôme, d’où une quasi-obligation de réussite scolaire pour les enfants. La pression est énorme. Les enfants sont évalués dès la maternelle et d’une certaine façon « orientés par l’échec » tout le long de leur parcours, déplore Patricia Garouste, psychologue scolaire et membre du comité d’administration de l’Afpen, Association française des psychologues de l’Éducation nationale. « L’école n’est plus seulement un lieu de juvénilité, où les enfants, confrontés à la différence, apprennent à se mesurer les uns aux autres, à vivre ensemble, où on les protège en attendant qu’ils grandissent, dit Nicole Catheline, pédopsychiatre au centre hospitalier Henri Laborit, à Poitiers, et responsable d’un centre référent des troubles du langage. C’est devenu un lieu où il faut apprendre, être le meilleur, passer devant tout le monde. » Et ce n’est pas sans effet sur les rapports entre les parents, les enfants et l’école. « Pour qu’un enfant investisse sa scolarité, il doit être disponible pour les apprentissages et curieux. Se poser des questions sur le monde en admettant qu’il ne sait pas tout », explique Jean Chambry, pédopsychiatre au CHI Fondation Vallée, à Gentilly, et au CHU du Kremlin-Bicêtre. « On apprend forcément de quelqu’un d’autre », ajoute Nicole Catheline, et pas seulement de ses parents, « ça veut dire être capable de se séparer, d’accepter des points de vue différents de ceux qu’on connaît. » Une autre condition pour parvenir à travailler à l’école est d’avoir investi le verbal : s’intéresser au langage, le considérer comme le moyen de communication privilégié qui structure notre pensée. Sur les 95 adolescents en grande difficulté dont Nicole Catheline s’occupe à Mosaïque (1) 1, 91 ont bénéficié de suivis orthophoniques dans l’enfance. C’est dire l’impact que la capacité à investir le langage a par la suite.
Venir à l’école c’est aussi vivre en collectivité et intégrer un système de socialisation, avec ses règles, ses limites et ses interdits, lesquels peuvent être très différents de ceux en vigueur à la maison. C’est d’autant plus difficile que l’école continue à fonctionner sur un mode de transmission du savoir vertical, avec une dimension hiérarchisée : « Le maître enseigne à l’élève, explique Jean Chambry, alors que la société privilégie de plus en plus les rapports horizontaux, notamment grâce aux nouvelles technologies. L’enfant baigne dans cet univers interactif et ludique, où il touche à tout, l’ordinateur, le portable, avec parfois plus de facilité que les adultes ; et à 6 ans, il entre au CP et on lui dit : ‘‘Tu restes assis, tu écoutes, tu ne bouges pas, c’est moi qui sais et toi tu apprends’’. La majorité des enfants et des adolescents ont la capacité de s’adapter ; mais les enfants immatures, intolérants à la frustration, en fragilité dans la construction de leur appareil psychique risquent de souffrir. »