Depuis une décennie, nous autres préhistoriens sommes amenés à réviser nos certitudes. Non, ce n’est pas au Paléolithique supérieur, il y a 35 000 ans, avec les grottes ornées d’Europe, que l’homme a commencé à produire de l’« art » – terme qui renvoie de toute façon, quelle que soit la définition qu’on lui confère, à un acte manifestant l’émergence d’une pensée symbolique supposée propre à notre espèce. Et encore non, cet art n’a pas été notre apanage d’hommes modernes (Homo sapiens). Dans ce contexte, homme moderne et Paléolithique supérieur apparaissent d’ailleurs comme des notions très discutables. En réalité, des indices d’expressions artistiques toujours plus anciennes s’accumulent, bien que nombre de ces éléments soient encore très discutés.
La « Vénus » de Berekhat Ram
Il semble que le plus vieux témoin d’une manifestation artistique provienne du site de Berekhat Ram (Israël) : c’est un petit morceau de tuf volcanique qui aurait été sculpté entre 233 000 et 800 000 ans (dessin 1).
Ce fragment offre une ressemblance naturelle avec une figurine féminine, et sa forme résulte de rainures autour de son « cou » et le long de ses « bras ». Le débat fait rage : ces rainures sont-elles naturelles ? Une analyse au microscope par l’archéologue états-unien Alexander Marshack me convainc qu’elles sont de main humaine. Il s’agirait d’une image volontairement améliorée, d’un incontestable « objet d’art ». L’analyse du préhistorien italien Francesco d’Errico va dans le même sens.