1905\. L'Etat répudie ses Eglises

La laïcité, entend-on souvent, serait une « exception française ». La loi de 1905, qui sépare Églises et État, n’était pourtant pas la première expérience de ce type.
Paris, début de l’été 1904 : la Chambre des députés est le théâtre de vifs affrontements. Pour le Parti radical au pouvoir, les congréganistes (mots-clés ci-dessous) menacent la République par leurs habits religieux et leurs vœux de pauvreté – contraires à l’idéal républicain d’ascension sociale –, de chasteté – alors que la France a tant besoin d’enfants –, d’obéissance – alors que la République exige un citoyen libre. L’aile la plus militante de la majorité prône la séparation des Églises et de l’État. La commission formée dans ce but comprend 17 députés favorables à la séparation et 16 opposés. Elle dépassera ce clivage grâce à l’action commune de son rapporteur socialiste, Aristide Briand, et de son président radical, Ferdinand Buisson, qui créent une atmosphère d’écoute mutuelle.

 

Les trois ruptures de la séparation

Un an plus tard, la Chambre adopte, en première lecture, la loi de séparation. Seuls deux députés du centre gauche approuvent A. Briand quand celui-ci loue la loi. Les radicaux la votent, tout en affirmant qu’il faudra la modifier (c’est-à-dire la durcir). La droite la rejette, même si elle a contribué à la façonner. Pour la louer de façon quasi unanime, il faudra attendre 2005 et la célébration de son centenaire. Sur le moment, la loi mécontente les catholiques, les anticléricaux et même une majorité de républicains.

Les catholiques y voient la fin de la France « fille aînée de l’Église ». À un franc-tireur comme le philosophe Ferdinand Brunetière, qui affirme que « la loi nous permet de croire ce que nous voulons et de pratiquer ce que nous croyons », le député Albert de Mun oppose l’« apostasie » (mots-clés ci-dessous) de la nation. L’article 2 abolit le Concordat (mots-clés ci-dessous) et met fin au système des cultes reconnus – la République « ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte ». L’identité de la France n’a plus aucune dimension religieuse, mais la Constitution attendra quarante ans avant d’en prendre acte.

Les anticléricaux n’acceptent pas l’article 1, dans lequel la République non seulement « assure la liberté de conscience » mais aussi « garantit (le terme est fort) le libre exercice des cultes ». C’en est fini du combat « émancipateur » contre la religion, de l’anticléricalisme d’État. A. Briand l’a indiqué, la séparation de 1905 est aussi une séparation entre l’État et la libre-pensée (mots-clés ci-dessous).