Le système scolaire serait-il en crise ? Cette idée n’est pas nouvelle. Depuis la fin du 20e siècle, des spécialistes de l’éducation l’évoquent. Mais les difficultés actuelles ont quelque chose d’inédit, avancent deux chercheurs en sciences de l’éducation, Béatrice Mabilon-Bonfils et François Durpaire, dans La Fin de l’école (2014). Elles peuvent se comprendre au regard d’une crise de l’enseignement, des enseignants et des élèves.
Premiers en cause, les programmes scolaires sont de plus en plus exigeants et complexes, sans que les enseignants et les jeunes bénéficient des conditions pour les mettre en application. Par exemple, dans les années 1980, un élève de primaire devait connaître la succession chronologique des grandes périodes historiques à la fin du cours moyen. Cet enseignement s’est étoffé au fur et à mesure des réformes. Sous le ministre Jack Lang, en 2002, l’histoire au cours moyen fait l’objet d’un programme de 300 pages. Devenu trop complexe, le programme a été réduit, quelques années plus tard, au « socle commun de connaissances et de compétences », censé simplifier les savoirs au profit de la qualité des connaissances transmises. Les conditions d’enseignement, pour leur part, se sont transformées : tandis qu’un instituteur disposait d’une trentaine d’heures hebdomadaires avant 1969, il ne bénéficie plus que de 24 heures aujourd’hui.Les transformations du métier d’enseignant sont, elles aussi, déterminantes dans la crise actuelle. L’engagement vocationnel a parfois laissé la place à la profession, voire au « job » exercé par opportunité plus que par aspiration personnelle, affirment F. Durpaire et B. Mabilon-Bonfils.
Chute des vocations ?
La dégradation des conditions de travail (classes surchargées, complexification des programmes, diminution du temps…) n’est pas sans lien avec ce phénomène. Le concours 2013 a été marqué par une forte diminution des candidatures, laissant 2 000 postes non pourvus au niveau national (Le Progrès, 10 juin 2014). Cette situation exceptionnelle, générée par les réformes de la formation des enseignants s’accompagne aussi d’une pénurie récurrente dans certaines disciplines comme les mathématiques. La profession enseignante est en mutation, comme en atteste aussi sa féminisation. Selon l’Insee (Institut national de la statistique et des études économiques), en 2013, 82 % des enseignants dans le primaire sont des femmes et 58 % dans le secondaire. Or, comme l’a montré la sociologue Marlaine Cacouault-Bitaud, la perte de prestige d’une profession engendre souvent sa féminisation (Travail, genre et sociétés, n° 5, 2001).