La question du rapport au savoir ne peut pas être bien analysée si n'est pas posée la question de la valeur opératoire de ce savoir. Les savoir-faire sociaux, la maîtrise du langage écrit, les connaissances mathématiques peuvent et doivent trouver leur fonctionnalité en situation ; la forme verbale et discursive de la connaissance n'est pas suffisante. C'est donc à la lumière de la pédagogie et de la didactique des situations qu'il faut aborder le rapport au savoir, qui est effectivement au centre du rapport à l'école, du rapport à la formation, à l'apprentissage, y compris dans l'apprentissage sur le tas.
On oppose trop rapidement l'école à l'apprentissage sur le tas. Il y a de bonnes raisons à cela. Mais il y en a de mauvaises : d'une part, l'école offre des opportunités d'apprentissage, y compris des situations, que n'offre pas la vie quotidienne extra-scolaire ; d'autre part, l'analyse des activités de travail montre que les hommes et les femmes ne tirent pas un égal profit de l'expérience. Cette inégalité résulte pour une part non négligeable des différences entre individus dans leur rapport au savoir. Agir pour transformer l'école, c'est aussi appeler à terme la transformation du travail et de la vie.
Avec l'élévation du niveau de compétence et de culture exigé dans la société actuelle, la fonction de transmission de la culture assignée à l'école est devenue capitale. Dans les processus traditionnels de transmission des pratiques, par accompagnement de l'activité des enfants dans la famille, ou par compagnonnage dans les entreprises, la question de la didactique ne se pose guère, sinon à travers la complexité plus ou moins grande des tâches confiées à l'apprenant : plus simples au début et progressivement plus délicates.
Mais, à l'intérieur de l'institution scolaire, comment transposer les situations et problèmes qui ont donné ou qui donnent leur sens aux connaissances scientifiques, techniques, sociales, artistiques, constitutives de la culture aujourd'hui ? Comment favoriser l'accès à ces savoirs et savoir-faire organisés que sont les disciplines et les professions ? A l'école, il faut des mises en scènes particulières pour que le jeune enfant aperçoive la fonctionnalité de la lecture et de la compréhension de texte, de l'arithmétique et de la géométrie, de la biologie et de l'histoire, de l'éducation physique et de la musique. La didactique est née du souci de répondre à ces problèmes, en s'attachant aux contenus des savoirs et savoir-faire, et aux difficultés spécifiques que ces contenus peuvent soulever : différentes d'une discipline à l'autre, d'un domaine d'activité à un autre à l'intérieur de la même discipline. La didactique ne s'oppose pas à la pédagogie, elle va simplement au-delà, par un souci plus grand d'analyse du contenu des activités mises en jeu dans l'apprentissage, notamment des opérations de pensée que ces activités impliquent. C'est pourquoi cette discipline s'appuie d'une part sur la psychologie du développement cognitif, et d'autre part sur l'épistémologie des disciplines, indispensable à l'analyse du contenu des connaissances.
La psychologie du développement est convoquée par la didactique, parce que les compétences progressivement formées par l'enfant au cours de ses apprentissages sont partiellement ordonnées, partiellement indépendantes, partiellement complémentaires. Il est donc indispensable de disposer d'une description analytique des cheminements de l'enfant dans la diversité des situations et des opérations de pensée nécessaires pour les traiter.
Les premières situations d'addition comprises par les enfants correspondent à l'accroissement connu d'une quantité initiale connue (j'avais 12 billes, j'en gagne 5, combien en ai-je maintenant ?), ou à la réunion en un tout de deux parties dont le cardinal est connu (6 filles, 7 garçons, combien d'enfants en tout ?). Mais il existe de nombreuses autres occasions de devoir choisir une opération d'addition :