À quoi servent les arts d'islam ?

Écrire

Un des premiers actes artistiques de l’islam est d’affirmer la parole de Dieu, de l’illustrer en s’efforçant d’atteindre la perfection esthétique. La calligraphie de l’arabe reste, jusqu’à aujourd’hui, un art majeur. Elle a été déclinée en de nombreux styles, épanouie autour de motifs variés, parfois à l’image d’animaux, déployée sur une multiplicité de support : bois, parchemin, papier, ornements des bâtiments, céramiques…

Gérér

Aux premiers temps de l’expansion, sous la dynastie des Umayyades (661-750) qui prennent Damas pour capitale, le pouvoir revêt les apparences des vaincus, et délègue aux élites locales la gestion administrative du nouvel empire. Ce pourquoi la monnaie umayyade ressemble à la byzantine…

Paraître

Musiciens et chasseur à cheval représentés sur une fresque du pavement du hall de Qasr al-Hayr al-Gharbi, château umayyade situé dans le désert syrien et commandité par le caliphe Hisham bin ‘Abd al-Malik vers 727. Ces peintures montrent les influences byzantines et perses sassanides.

Construire

Dôme du rocher, construit entre 688 et 692 sur ordre du calife Abd el-Malik ibn Marwan sur le Haram al-Charif, troisième lieu saint musulman, Jérusalem.

Après La Mecque et Médine, les mosquées jaillissent du sol à Damas et Jérusalem, pour baliser les espaces sacrés. Jusqu’à nos jours, les princes de l’Islam, mêmes laïcs, n’auront de cesse de financer l’embellissement des lieux de culte majeur. Et les foules d’y affluer en pèlerinage.

Prospérer

Les jardins et tours de l'Alhambra à Grenade (Andalousie), 14e-15e siècle.

L’âge d’or de l’islam, dit-on. Le califat abbasside (750-1258) est au cœur du commerce entre trois continents – Asie, Afrique, Europe, soit l’Eufrasie. Depuis la ville nouvelle de Bagdad (dont la planification urbanistique révèle une maîtrise inédite de l’art gestionnaire), les élites favorisent le commerce, la philosophie, l’éducation, les arts, les jardins et la science. À l’autre extrémité de la Méditerranée, les Umayyades de Cordoue (756-1031) font de même. L’art « mauresque », mudejar en espagnol, persiste encore dans le monde ibérique.

Aimer

« On m’a fait aimer en ce bas monde trois choses : les parfums, les femmes et la prière… » Partant de ces paroles qu’il puise à la bouche du Prophète, le psychanalyste Malek Chebel nous présente ces musulmans qui, tout au long de l’histoire, se sont montrés respectueux du texte sacré tout en assumant jouissance charnelle, quête érotique et ivresse des sens. Jusqu’au Kâmasûtra, rédigé en Inde hindoue vers les 6e-7e siècles de note ère, que les Moghols vont lascivement illustrer.

Connaître

Bol en terre cuite avec une décoration polychrome et à la feuille d'or, Kashan (Iran), vers 1200.

Philosophie (p. 28), droit, linguistique (étude de l’arabe), géographie (cartes), histoire, médecine, astronomie, structures d’enseignement (universités) et de conservation du savoir (bibliothèques)… Les savants de langue arabe ont préservé les savoirs antiques, collecté les connaissances d’Inde ou de Chine, relayé les idées jusqu’en Occident. Il nous en reste des mots dont nous avons oublié l’origine, à commencer par alchimie, alambic, voire Aldébaran ou Altaïr… Même les étoiles sont héritières de cet « âge d’or des sciences arabes ».

Régner

Poignard turc et son fourreau (17e 18e siècles).

Lais de velours, fabriqué avec de la soie et des lamelles de métal. Le motif des oeillets est le motif le plus souvent représenté dans les brocards de velours ottomans des 16e-17e siècles en Turquie.

Panneau en terre cuite peint en bleu, turquoise et vert mousse, émail transparent, vers 1540, Iznik.

Du 15e au 19e siècle, l’Islam se situe toujours au cœur de l’Eufrasie – et il continue à rayonner même s’il est fragmenté. Aux Ottomans, la Turquie et la Méditerranée orientale ; aux Timourides, Safavides, puis Qadjars, la Perse ; aux Moghols (1526-1857), l’Inde. Ces trois grandes puissances, empires des steppes, développent des traditions artistiques propres – souvent métissées.

Interdire

L’interdit de l’image du Prophète est, pour le psychanalyste Malek Chebel, l’ultime bastion de l’islam. « Il convient pourtant, soulignent Denis Crouzet et Jean-Marie Le Gall, de rappeler que le Coran n’interdit nullement la figuration du Prophète mais seulement celle de Dieu, pour éviter toute forme d’anthropisation. Voilà pourquoi le monde sunnite et surtout le monde chi‘ite ont produit des images de Mahomet, même si l’école wahhabite depuis le 18e siècle s’appuie sur certains hadîth pour interdire toute figuration et prôner l’iconoclasme, au risque de prendre le Prophète pour Dieu… »

Résister

Partout en Islam, les artistes sont présents. Souvent aux premiers rangs de la lutte contre l’arbitraire de certains régimes, les interdits de certaines sociétés, les violences de certains groupes. Trop souvent en exil. Chanson, théâtre, installation, photographie, graf, transmédia, cinéma… Leurs œuvres déclinent tous les registres de l’art contemporain.

Innover

La conception de la mosquée Sakirin, dans le quartier d’Üsküdar, à Istanbul, a été confiée, pour la première fois dans l’histoire, à une femme : Zeynep Fadilioglu. Le bâtiment est une création à nulle autre pareille…

Rêver

Les Mille et Une Nuits est une œuvre polysémique, recueil de contes issus d’Arabie, d’Inde et de Perse, compilés en arabe au plus tard au 13e siècle selon une forme narrative originale : les historiettes sont enchâssées dans la fable majeure de Schéhérazade la conteuse, tenant son mari de sultan en haleine afin qu’il reporte, de nuit en nuit, son exécution. Toujours d’actualité, ici en série télévisée irakienne, avec l’actrice Malayeen…