Pour que l’anthropologue puisse analyser la globalisation, il faut, dites-vous, réviser l’approche classique dans la discipline… Pourquoi ?
Le défi actuel pour les anthropologues consiste effectivement à repenser leur méthode. On ne peut pas continuer à étudier une population en la considérant comme un isolat culturel, en en faisant une monographie qui passerait en revue de manière académique tous les aspects de l’organisation sociale… Nous sommes en effet entrés de plain-pied dans une ère où le rapport des populations à leur passé n’est plus le même : un peuple ne peut plus se définir comme « authentique » ou « traditionnel », à moins de verser dans l’idéologie politique. Tous les produits culturels sont aujourd’hui le résultat de parodies, de pastiches, de collages. Chacun joue avec les valeurs du passé, dans un va-et-vient permanent avec le présent. Ajoutez à cela que le chercheur doit aussi faire un retour réflexif sur sa position, et vous ne pouvez plus dès lors décomposer le monde entre un chercheur « neutre » et des informateurs omniscients qui vous livrent la vérité d’une culture.
Extrait de « Pour une anthropologie de la globalisation - Entretien avec Marc Abélès », , n° 196, août-septembre 2008.