Autisme : un trouble à spectre large

Le trouble du spectre autistique est de plus en plus diagnostiqué aujourd’hui. Est-ce une question de définition ? Une épidémie encore inexpliquée ? Le débat se poursuit.

Autisme : un trouble à spectre large - Les Grands Dossiers des sciences humaines n°76

© Mayte Torres / Getty

Lorsque le mot « autisme » a été créé, en 1911, par le psychiatre suisse Eugen Bleuler, il désignait un symptôme de la schizophrénie, la perte de contact avec la réalité extérieure et le repli sur soi. C’est de 1943 que date une des premières descriptions de l’autisme infantile. Le pédopsychiatre américain Leo Kanner met alors en avant deux caractéristiques qui feront longtemps référence : « aloneness » (isolement) et « sameness » (immuabilité, intolérance au changement).

Dans la conception développée par les psychanalystes, l’autisme faisait partie des psychoses infantiles et trouvait son origine dans l’environnement de l’enfant et notamment dans ses premières relations d’attachement. Certains psychanalystes, à l’image de Bruno Bettelheim, ont longtemps défendu la thèse des mères trop « froides » et distantes, qui pousseraient l’enfant à s’isoler de la sorte. Avec l’arrivée du Manuel de classification internationale des maladies (CIM) et du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux de l’Association américaine de psychiatrie (DSM), se revendiquant tous deux comme athéoriques, on assiste à un tournant conceptuel. L’autisme est maintenant considéré comme un trouble neurodéveloppemental. L’accent est davantage mis sur les facteurs organiques que psychologiques.

Le DSM-III (1980) évoque pour la première fois le terme « trouble envahissant du développement » (TED), qui restera longtemps le terme de référence. Les TED (selon le DSM) comportaient plusieurs sous-catégories :

• l’autisme infantile (qui apparaît avant l’âge de 3 ans) ;

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• le syndrome d’Asperger, dit « autisme de haut niveau », mais qui concerne en fait toutes les personnes avec un QI dans la norme ;

• le syndrome de Rett, une encéphalopathie évolutive aux allures autistiques touchant principalement les filles ;

• le trouble désintégratif de l’enfant : un développement normal les premières années, puis une régression des acquisitions par la suite ;

• les TED non spécifiés : une symptomatologie atypique ou un âge de survenue plus tardif des troubles.

Les diagnostics de TED non spécifiés étaient quasiment deux fois plus nombreux que ceux d’autisme infantile. C’est cette dérive (entre autres) qui a motivé les chercheurs à réunir tous ces troubles sous un même terme : le « spectre autistique ».

Jusqu’à très récemment, les classifications internationales retenaient trois critères principaux pour classer les troubles autistiques :

• Troubles des interactions sociales : absence de regard, de mimiques, d’expression corporelle, difficultés à partager ses intérêts et affects, à ajuster son attitude aux contextes sociaux.

• Troubles de la communication et du langage : retard ou absence de langage, syntaxe pauvre, prosodie monotone, difficultés à saisir l’implicite, à imiter ou à faire semblant.