Et si le mensonge, l’imitation, l’imposture ou la mauvaise lecture étaient des qualités littéraires ? Cela peut sembler paradoxal. C’est pourtant le parti pris de Maxime Decout, professeur de littérature et essayiste français. Il considère ces notions, à première vue péjoratives, comme des moteurs de création. Dans son dernier essai, l’auteur propose ainsi un Éloge du mauvais lecteur. Ce dernier serait celui qui ne lit pas le texte comme le texte le désirerait, qui refuse les chemins balisés de l’auteur et se montre inventif, affranchi, libre. Autrement dit, le mauvais lecteur serait celui qui prend la liberté d’avoir sa propre interprétation du texte, quand bien même elle irait à l’encontre du projet de l’auteur et du texte en lui-même. Cet essai s’inscrit ainsi contre les théories de la lecture du 20e siècle. De Jean-Paul Sartre à Umberto Eco en passant par Roland Barthes, la notion de lecteur idéal a mis la « bonne lecture » en vedette. Ce « bon lecteur », à l’inverse du mauvais, collabore avec le texte en en construisant le sens. Ce coup de projecteur sur ce lecteur idéal a laissé dans l’ombre un ensemble de conduites que l’auteur a regroupé sous l’appellation « mauvaise lecture ». Pour autant, aussi ironique que cela puisse paraître, « mal lire n’est pas plus évident que bien lire » et devenir un mauvais lecteur est parfois complexe. Nombre de lecteurs ne se demandent jamais comment mal lire une œuvre mais plutôt s’ils l’ont bien lue. La bonne lecture nous forme, de telle sorte qu’il devient très difficile de lire autrement, de transgresser les codes. Elle ne laisse en aucun cas nos désirs ou nos fantasmes s’exprimer. L’activité de mal lire est donc souvent perçue comme condamnable, honteuse voire à refouler. Parce qu’elle s’affranchit des codes du bien-lire, elle est pourtant une démarche créatrice. Elle offre une infinie possibilité d’interprétation et d’enrichissement des œuvres, et ne répond à aucune règle, laissant libre cours à l’imagination.